La théogonie
Peu développée ; elle tourne
autour de LA DIVINITE SUPRÊME (MA WU) et de la notion d'âme ; (la mythologie
Yorouba en compte quatre.) La théogonie est contenue toute entière dans le NOM
de DIEU, tel que nous le disons ; c'est-à-dire « ce que nul ne peut
atteindre » c'est la traduction littérale du terme MA WU (ou MA HOU) ;
comme on le voit, il s'agit d'une phrase qui exprime un concept ; et comme
telle la culture yorouba ne va pas trop s'attarder sur cet aspect ; j'aurai l'occasion
de dire pourquoi. C'est de là que découlent notre conception des noms et les
propriétés que nous leurs supposons.
Remarque : on trouve un couple
de divinités, Mawu et Lissa, qui sont vénérées dans certaines régions ; à mon
avis, il s'agit d'une déformation qui viendrait du fait que le simple concept
de « ce que nul ne peut dépasser » traduction de Mahu, s'avérerait trop
abstrait à certains, et surtout, très difficile à rendre au niveau de la vie
quotidienne.
On a invoqué également la
possibilité que ce couple symboliserait un principe de dualité universelle qui
serait à l'origine du monde. Dans un tel couple, Ma Wu serait féminin et Lissa
masculin. Beaucoup de choses ont été écrites sur cet aspect de la culture du
golfe du Bénin ; cependant, je pense qu'il faut s'en tenir à la signification
que j'en donne plus haut. C'est ce que j'ai appris ; mais surtout, à l'occasion
d'une cérémonie quelle qu'elle soit, on finit par « S'il plait à MaWu, notre
cérémonie atteindra son but. » et ceci est dit quelque soit la divinité en
cause, la divinité pour laquelle la cérémonie est faite. En clair, Ma Wu serait
donc la Divinité Suprême, à laquelle on se réfère sans pour autant lui dédier
une cérémonie particulière. En voici la raison : Nous pensons que Dieu (Ma Wu)
créa le monde et les Êtres, il se désintéressa de sa création, mais, dans son
immense Bonté, il créa les dieux pour venir en aide aux hommes.
L'homme doit donc rendre grâce
à l'Être suprême constamment et le remercier de l'avoir créé ; mais pour le
reste, pour tout le reste, il s'adresse aux divinités qui sont, elles, les «
techniciennes » de l'action, étant entendu que Dieu avait tout entrepris
dans le Commencement.
Voilà pourquoi je considère que
parler de polythéisme n'est pas justifié ; c'est ignorer la structure de la
pensée spirituelle des peuples en question. Or, et c'est là où les choses se
compliquent , « Vodou » signifie littéralement « ce qu'on ne connaît pas,
ce qu'on ne connaît pas encore ».
Vous voyez ainsi que nous
allons naviguer entre « ce que nul ne peut atteindre » et « ce qu'on ne
connaît pas encore ». Le « pas encore » est extrêmement
important, car il positionne l'ensemble de la démarche pédagogique qui se place
entre ces deux entendus. C'est pourquoi je disais que le Vodou n'est pas seulement
une religion. Je pense qu'il est possible de le sortir totalement d'un cadre
religieux et procéder à l'analyse du mécanisme de son fonctionnement. C'est ce
que je propose par ailleurs. Quoiqu'il en soit, il ne s’agit que de mon point
de vue, et surtout, c'est une invitation à la réflexion que je propose.
La cosmogonie
Elle reste sommaire dans la
mythologie Yorouba. Sachez seulement que selon les « Vieux », le
monde est crée par un principe appelé GBÊDOTO, c'est-à-dire, « celui qui
possède la vie » ; ou mieux, « père qui possède la vie » ou encore «
l'Etre qui génère le vivant », qui s'est servi d'un autre principe : ASHÊ
(pouvoir, puissance, sérénité...) une notion qui est très difficile à rendre
dans la langue française. On parlera du « Commencement » ; il ne s'agit
pas du commencement du monde, mais d'un événement qui serait intervenu
beaucoup, beaucoup plus tard, et qui justifie la nécessité d'une pédagogie qui
est le rôle de la mythologie Yorouba, comme toute mythologie à mon avis, mais,
je peux me tromper.
La pédagogie vise à retrouver
l'état du commencement car « toutes les graines sont dans le
commencement ». Il est important de retrouver cet état car, selon la
mythologie Yorouba, c'est celui de l'harmonie parfaite de la création. C'est
aussi la seule chose qui nous soit possible. En effet, dit-on encore, « avant
le commencement, il n'y avait que Dieu seul et Lui-même ».
Bien sûr, les peuples du golfe
du Bénin ont une représentation qui avait la forme d'une calebasse complète,
ronde donc, qui se divise en trois parties, le domaine des Esprits celui des
vivant et le pays des morts.
La pédagogie
La pédagogie apparaît comme
l'objectif principal de la mythologie. Une pédagogie qui doit conduire l'homme,
en tant qu'individu, mais aussi en tant qu'être social, à un niveau d'harmonie
qui est celui dans lequel il se trouvait dans le « Commencement ».
En conséquence
·
L'homme est au centre de toute cette mythologie.
·
Les dieux apparaissent comme de simples « outils »
qui sont à la disposition de l'homme pour lui permettre de d'assurer sa marche
vers l'harmonie.( mais, des outils que l'homme doit acheter et qui ont leurs
exigences ; d'où la constante nécessité de faire des « sacrifices » et d'une attitude de
déférence )
·
Sa
liberté est infinie. L'homme doit être libre par rapport à la société ; il doit
l'être également, par rapport aux divinités. Il ne peut y avoir d'harmonie sans
liberté. Sa liberté se traduit par le fait qu'il n'interroge pas le dieu de la
divination ; il « le fouille » Il peut refuser la prédiction des dieux. Il
peut refuser la réponse qui lui est fournie (une fois, et à une condition de
rachat). Il peut demander une autre interprétation du verdict... cela suppose
qu'il doit en assumer toutes les conséquences.
·
Liberté,
mais aussi responsabilité ; il revient à l'homme de saisir le sens du sacrifice
et de se l'appliquer ; ce qui signifie que le résultat de ses prières dépendent
uniquement de lui.
Les outils
Ce sont des légendes, des
devises et des chansons qui sont sélectionnées à partir des figures du dieu de
la « divination », le dieu Fa. Il y a 256 figures ; chacune d'entre-elles
comporte 3 légendes, 2 ou 3 devises et 2 ou 3 chansons. En réalité nul n'est en
mesure de confirmer le nombre de légendes, de devises ou de chants dans lesquels
la tradition a enfermé l'enseignement de chaque figure.
Les Dieux
Structure du panthéon Yourouba
Nous nous trouvons en présente
d'une mythologie dont la structure est sans hiérarchie entre ses divinités. On
a le sentiment que les divinités sont d'importance égale ; même si, l'un
d'entre-eux est désigné comme « premier dieu ». Une extraordinaire
complémentarité entre les divinités apparaît une fois qu'on a accédé aux sens
des légendes.
Les dieux du fondement
Dans les faits, nous observons
une structure qui regroupe autour de quelques divinités, un ensemble d'Esprits
« secondaires », un peu comme une cour autour d'un roi. Les éléments de
cette « cour » connaissent une évolution qui voit apparaître de nouveau
membres, (comme dans l'ancienne religion japonaise).
Dans ma démarche, j'ai retenu
huit divinités ; c'est un choix personnel qui ne signifie pas que les autres
divinités sont à négliger. Celles qui interviennent dans le cadre de ma
réflexion me semble assumer l'essentiel de l’œuvre pédagogique. Parmi celles-ci,
deux dieux Fa (ou Ifa) et Lêgba (ou Eshu) forment le noyau. (J'ai montré par
ailleurs qu'il s'agit en fait de deux facettes d'un seul et unique principe, et
ceci se déduit de l'examen analytique des légendes).
En voici une rapide
présentation :
AZIRI
Je suis Aziri, déesse des
marchés; j'apporte la richesse, mais aussi la misère et quelques autres choses.
On dit aussi que je suis la déesse de l'amour; mais comme on ne peut préserver
ses droits sans les défendre, alors...
OSHOOSI (AGÊ )
Peu importe mon nom; mon
domaine est celui de la chasse. J'ai appris aux hommes à avancer dans l'ombre;
à voir sans être vus. Je leurs ai enseigné le silence et l'art de se fondre
dans la forêt. Vous me trouverez toujours aux côtés des armes de mon frères Gû.
FA
Fâ, est mon nom; je ne suis
qu'un gardien. Je garde les seize voies de la connaissance. Je suis votre
guide; mais, vous êtes libres.
GÛ
Je suis Gû, dieu de la guerre,
et aussi celui des forgerons; c'est ainsi. Parlons ; ensuite, vous jugerez.
HÊBIESSO ( SHANGO )
Je suis le dieu de la foudre;
le dieu tonnerre; on m'appelle également Hêbiêsso. Je suis craint; car, je peux
détruire en un instant.
LÊGBA
On dit de moi que je suis le
dieu de la tête; mais vous me rencontrerez sous beaucoup d'autres appellations;
par exemple: dieu des carrefours, dieu des nœuds, Lêgba... J'aime moins quand
on m'appelle « Filou »; mais, tout cela est sans importance; l'essentiel
est que je sois à votre disposition .
OSANYIN ( ARONI )
(Le dieu guérisseur est aphone;
il ne peut donc rien vous dire. On prétend que ce sont les oiseaux qui parlent
pour lui.)
YEMOJA (OBOTO) DEESSES DE LA SERENITE
Nous sommes innombrables; on
dit de nous que nous apaisons les vivants afin qu'ils poursuivent leur marche
vers l'Harmonie. Mais, nous nous occupons des dieux également. A chacun, son
dû.
LÊGBA ou ESHU
Le dieu Lêgba est considéré
comme le plus important des Esprits Yorouba, que ce soit en Afrique, dans son
aire de rayonnement ; ou bien que ce soit en Amérique (Nord et sud ,
Caraïbes...) où il arriva à la suite des événements que vous savez..
Il est le premier des Esprits
parce que le tout Puissant en a décidée ainsi ; mais, ce sont les dieux qui
souhaitaient connaître lequel d'entre eux venait en premier ; Lêgba sortit
vainqueur de la compétition.
Lêgba est le dieu de la tête,
le dieu de la réflexion. Il est aussi le dieu des nœuds, le dieu des
croisements ; c'est celui des Esprits qui induit les renversements de
situations les plus inattendus. C'est ce que nous pouvons déduire des deux
légendes fondatrices de la divinité.
Voici en complément, un résumé
d'une légende qui nous donne un aperçu de cet Esprit.
Premier résumé
Lêgba apprit un jour que le roi
Metolofi possédait un bouc à quatre yeux, deux situés sur la tête et les
deux autres à l'arrière de l'animal. En présentant la bête à son peuple, le roi
fit savoir que ce que chacun serait amené à faire lui serait immédiatement
rapporté car rien ne pouvait échapper à son bouc. Lêgba s'indigna ; il trouvait
inadmissible qu'un être, fut-il roi, puisse tout connaître de ses
semblables. Le dieu « fouilla » Fa ; il lui fut prescrit un sacrifice qui
consistait en un chapeau et en quatre morceaux de tissu de couleur différente.
L'Esprit Fa remodela le chapeau ; il en fit un couvre-chef à quatre faces, chacune
de couleur différente; il le remit à Lêgba qui s'en alla
ainsi équipé.
En chemin, le
dieu trouva le bouc à quatre yeux et le tua ; la
scène était observée de loin par la population du royaume ; mais chacun
ne pouvait décrire le responsable du forfait que selon son point de
vue, selon la
face du chapeau qu'il pouvait apercevoir sans soupçonner que les autres
voyaient
une autre couleur. Le roi dépêcha son ministre pour connaître l'auteur
du
méfait. Il s'en suivit une querelle générale, chaque personne étant
persuadée
d'être le témoin de l'unique vérité. Lêgba profita de la mêlée pour
tuer le
ministre ; là encore, le crime fut vécu de manière différente selon la
couleur
du chapeau que chacun pouvait voir. Le lendemain, Lêgba reprit sa tenue
habituelle et vint trouver le roi pour le prier de rassembler le
peuple; il
avait à s'entretenir avec lui en sa présence...
FA ou IFA
Fa est le dieu de la quiétude ;
il est le dieu de la sérénité ; c'est ce que traduit le sens littéral de son
nom. Dans la plupart des langues du sud du Bénin et dans l'aire géographique
Yorouba ; fafa signifie fraîcheur, calme, sérénité ; l'eau fraîche se dit si
fifa.
Fa, le « silencieux ». On
dit que Fa connaît tout ; que Fa dit toujours la vérité (en l'opposant à
Lêgba). Je le dis « silencieux » car, on « n'interroge » pas Fa ; on
le « fouille ».
Fa connaît tout et dit tout. Fa
est inséparable de Lêgba ; on constate que le second se tourne constamment vers
le premier pour lui soumettre les problèmes. Fa prescrit un sacrifice et Lêgba
agit. Est-ce pour cela qu'il faut « nourrir » Lêgba avant Fa ? Ainsi le
veut la
règle ; sans doute, parce que Lêgba est craint et que Fa n'est
« que » respecté ; ou bien encore, parce que Lêgba est le premier des
dieux. Mais, la réalité est plus complexe ; cette coutume, cette obligation
rendue à la hiérarchie des deux Esprits, est aussi une indication sur ce que
j'ai appelé un concept unique ayant deux facettes que sont Fa et Lêgba.
Quand on fouille Fa on obtient,
ou mieux, on trouve, une réponse qui est aussi un Fa auquel sont associées des
légendes, des devises et des chansons.
Ceci n'est que la traduction
des seize voies dont j'ai parlé.
FA et les FA
En effet,
parler de Fa doit
s'entendre dans un sens multiple. Une multiplicité que traduisent les
figures
du dieu. Nous trouvons les seize voies ou seize figures de bases ; ce
sont les
figures « mères ». On les dit « mères » parce que ce sont les
figures du fondement et non parce qu'elles sont féminines. En fait, il
y en huit mâles et huit femelles ; la première est mâle et la dernière
femelle ; cet
ensemble forme une première famille dans laquelle les figures 2 à 15
sont les «
enfants ». Chacune de ses seize premières figures donne naissance
à seize
enfants. Un calcul rapide vous montre que Fa est formé d'un ensemble de
256
figures (16 x 16) ; soit, 16 figures de base et 240 figures secondaires.
On prétend que les 256 figures
possèdent, chacune, trois légendes pour autant de devises et autant de chansons
; en réalité, personne n'est en mesure de garantir ces chiffres ; néanmoins,
sur cette base, on peut remarquer que Fa est une connaissance très étendue ; et
pratiquement personne ne peut se vanter de connaître toutes les légendes,
toutes les devises et toutes les chansons des 256 figures de Fa.
Voilà pourquoi quand on dit que
Fa possède une connaissance - un pouvoir - infinie, je pense que cela est faux.
Fa n'a pas une connaissance infinie ; Fa est comme une surface parfaitement
limitée, mais qui n'a pas de bord ; comme la terre par exemple. Fa est une «
surface » limitée, sinon ce serait Dieu. Fa est comme une surface sans
bord parce que, un homme ne peut probablement pas maîtriser tout son savoir.
Vous pouvez avancer aussi
longtemps que vous voulez sur la terre sans jamais rencontrer de bord.
(Ce problème est sans doute aussi
celui de l'esprit humain ; nous y reviendrons, peut-être).