Machines A Sous Gratis
Hommes et Terre

�

Cérémonie rituelle ? Lêgba L�gba-Fa, l'Homme, les hommes


La mythologie du golfe du B�nin � l'�preuve de l'humain

Situation g�ographique | Hommes et Dieux | Les fondements | Mythologie du Golfe du B�nin — 1 | Mythologie du Golfe du B�nin — 2 | Mythologie du Golfe du B�nin — 3 | Mythologie du Golfe du B�nin — 4 | Mythologie du Golfe du B�nin — 5 | Mythologie du Golfe du B�nin — 6 | Mythologie du Golfe du B�nin — 7 | Mythologie du Golfe du B�nin — 8 | Mythologie du Golfe du B�nin — 9 | Mythologie du Golfe du B�nin — 10 | Mythologie du Golfe du B�nin — 11 | Mythologie du Golfe du B�nin — 12 | Mythologie du Golfe du B�nin — 13 | En savoir plus
�
Paul Aclinou

Chap.12 - La libert� dans la cit�

Le dieu semblait ne pas trouver de r�ponse � cette question ; le m�canicien avait l'impression que L�gba attendait un prolongement � l'interrogation avant de s'exprimer. S'attendait-il � ce que le m�canicien exposa un d�but de solution, une indication sur la mani�re dont l'homme se situait ou simplement un doute quant � sa conviction ? Fa vint � son secours, il dit :

- Comment la Gr�ce antique avait elle positionn� le fait esclavagiste ? le consid�rait-elle comme une situation provisoire ? Non, puisque tu disais toi - m�me que cela allait de soi�; l'individu pouvait mettre en œuvre ses capacit�s en tant qu'homme � part enti�re pour s'en sortir, et cela se produisit � plusieurs reprises ; alors, vois-tu , la solution peut se trouver dans la libert� inh�rente � la nature humaine. Ce point est central dans le d�veloppement de l'homme, que ce soit celui des individus ou bien que ce soit celui des soci�t�s. Il est remarquable que le poids fondamental de la libert� a �t� soulign� de fa�on magistrale aussi bien par la pens�e grecque que par la synagogue ; certes, d'autres syst�mes de pens�e l'avait fait �galement, mais c'est dans ces deux cas-l� que nous trouvons l'expression la plus achev�e de cette affirmation bien que l'une et l'autre avaient choisi des voies diff�rentes pour conduire les hommes vers l'humanit�...

- Je ne vois pas , dit Jo avec une petite voix mal assur�e, je ne vois pas quels �l�ments de la pens�e grecque ancienne et du juda�sme portent sur le m�me th�me, celui de la libert� de l'�tre, pour en souligner la primaut�. Je pensais , pour la synagogue en particulier que la primaut� revenait au Dieu...

- Si, tu les connais Jo ! Sans doute, n'avais-tu jamais fait le rapprochement entre les deux faits. C'�tait L�gba qui reprenait la parole pour d�velopper la r�flexion de Fa . Le m�canicien n'�tait pas surpris de l'irruption du dieu des croisements, le dieu des nœuds, dans la conversation � ce moment-l� ; l'homme attendait donc l'explication que la divinit� allait proposer pour l'�clairer, mais en m�me temps, il fouillait aussi dans ses souvenirs pour y rechercher l�gendes, mythes ou points d'histoire... il ne savait pas trop, qui, l'un d'origine grecque et l'autre h�breux , pr�ciserait un seul et m�me concept ; un concept unique qui devrait concourir selon ses amis � la r�solution du probl�me de l'esclavage v�cu comme moteur des actions de l'homme. Le m�canicien ne trouvait rien ; il dit simplement :

- Je ne sais pas. Puis, apr�s un silence, et comme les dieux ne sortaient pas de leur mutisme mais semblaient au contraire attendre une r�action de sa part, il ajouta :

- Non vraiment, je ne vois pas ! Je ne pense pas avoir entendu des l�gendes... Il marqua un temps d'arr�t, un moment d'h�sitation avant de conclure abruptement comme s'il lui fallait �vacuer tr�s vite une id�e qui lui pesait ; il dit :

- De toutes mani�res, vous savez tr�s bien que je ne suis pas vers� dans l'�tudes des l�gendes et autres mythes ; ceux de mon propre environnement n'y font pas exception. Avoir entendu raconter des l�gendes et autres contes est une chose, s'en faire un objet de r�flexion en est une autre ...

- De gr�ce Jo ! intervint L�gba ; je ne pense pas que tu devrais te mettre en col�re ou bien ressentir de l'agacement par nos propos...

- Excuses-moi ; j'�tais en col�re contre moi-m�me, car, je vous crois quand vous dites que ces �l�ments font partie de mes bagages culturels et je m'en veux de n'en avoir pas tir� toute la substance ; c'est tout. Je dois avouer que ce n'�tait pas ma pr�occupation jusqu'� ce que vous fassiez votre apparition ; mais...

Le m�canicien se tut ; il ne jugea pas n�cessaire d'en dire davantage ; il �tait soulag� d'avoir signifi� � ses amis qu'il prenait un peu plus chaque jour la mesure des outils que sa culture et son �ducation tenaient � sa disposition. L'homme prenait progressivement conscience qu'il lui fallait se donner la peine, qu'il aurait d� fournir l'effort de les utiliser et d'enrichir ainsi son esprit et son entendement ; autant de portes qui s'ouvrent sur l'universel, c'est-�-dire, sur l'homme en tant que support de la pens�e.

- Tu vois, reprit L�gba, Socrate....

- Ah oui ! Socrate ; il s'�tait suicid�, je crois ?

- Ah non ! non, pas du tout ; pas tout � fait ! Il fut condamn� � mort mais il devait s'appliquer la sentence lui-m�me en absorbant un violent poison. Nous avions dit il y a quelque temps d�j� que cette condamnation se fondait sur le non respect, dans son enseignement, de la s�paration que fit le Gr�ce entre le monde divin et le monde profane. La Cit� reprochait � Socrate de donner toute la place au naturel au d�triment du divin, et que ce faisant, il la d�voyait, et plus pr�cis�ment la jeunesse. Aujourd'hui, ce n'est pas cet aspect de la question qui nous int�resse ; ce ne sont pas les raisons qui fondent le verdict que nous consid�rons mais la r�ponse en acte de Socrate � cette condamnation et l'enseignement que son attitude comporte pour ses contemporains et pour les si�cles � venir. On peut dire, et c'est regrettable que ceci ne fut pas soulign� avec insistance , que c'est le point d'orgue de son enseignement, c'est cet instant qui en constitue le summum. C'est-�-dire, qu'il choisit la libert�, en tant que concept permanent, de pr�f�rence � la vie qui elle, est un concept transitoire. C'est l�, ce que nous entendions te faire comprendre. Nous voulons te faire remarquer le niveau extr�mement �lev� o� Socrate situait la libert� ; ce philosophe signifia ainsi la condition essentielle , la condition unique qui seule peut faire de l'homme un �tre. Socrate pour la voie grecque donc...

- Et pour le juda�sme ? demanda le m�canicien ; il se donnait le temps de reconsid�rer ce qu'il savait du philosophe Grec.

- Tu vois Jo, l'histoire de Socrate est connue ; on consid�re avec raison ce grand penseur comme un des piliers de la raison humaine dans sa d�marche vers davantage de sagesse ; mais, il n'est pas �vident que la culture occidentale d'abord, puis la pens�e universelle ensuite donnent toute sa signification � son attitude face � la condamnation � mort dont il fut l'objet. Plus regrettable encore est le fait qu'aucune liaison n'est faite avec cet autre moment fondamental que fut le r�cit du sacrifice d'Abraham...

- Ah ! C'est �a le c�t� juif du probl�me ? s'exclama le m�canicien d�s que L�gba eut prononc� le nom du Patriarche.

- Oui Jo ! l� aussi, tu connaissais l'histoire et sans doute, lui donnes-tu toute sa signification en tant qu'affirmation d'une foi in�branlable en Dieu. Ce que tu ne mesures certainement pas, c'est qu'en sacrifiant de fait Isaac, c'est Abraham lui-m�me qui se sacrifiait ; et ce sacrifice, le sien, est davantage porteur de signification que celui de son fils ; car, chaque jour, chaque heure, chaque instant qui lui restait � vivre renouvelait ce sacrifice, et le Patriarche ne pouvait pas manquer d'en avoir conscience ; une conscience aigu� faite d'interrogation et de d�termination. L'issue du mythe ou de la l�gende ou m�me de l'histoire comme tu voudras, ne change rien � cet aspect du probl�me, car, l'essentiel �tait fait ; l'essentiel r�sidait dans l'acceptation de l'ordre qui lui fut donn� et dans son d�but d'ex�cution. L'importance de la le�on r�side �galement dans la longue interrogation qui a n�cessairement occup� Abraham pendant des jours et des jours. C'est par cette interrogation, c'est par le d�bat int�rieur cons�cutif � l'acquiescement ou bien � l'acceptation que Socrate et Abraham se rejoignent pour signifier le fait capital qui est la libert�, libert� vis � vis du groupe , et libert� par rapport � la divinit�. Que ces deux piliers rel�vent de l'historicit� ou rel�vent du mythe ne change rien � la signification du message. Sans l'acceptation de cette libert� fondamentale de l'individu, tout effort pour �radiquer le fait esclavagiste sera vain. La libert� ainsi reconnue et son respect dans toutes les instances de la vie d'un Etre ne suffisent sans doute pas � elles seules pour atteindre l'objectif d'une soci�t� humaine harmonieuse ; il ne faut pas sous-estimer en effet, l'importance du facteur de survie , et le fait que l'homme est jusqu'� nouvel ordre le meilleur article du font de commerce dont dispose l'homme. C'est � ce niveau que se situe le fait que toute relation humaine se d�finie en fonction d'un rapport de forces ; une situation conflictuelle de fait qui a toujours pr�value…

- Certainement, dit Jo, mais je voudrais consid�rer � nouveau les deux cas que tu viens d'�voquer pour signifier la place primordiale de la notion de libert� dans les d�marches des hommes vers davantage d'humanit� ; je veux bien croire que le concept de libert� rev�t une telle importance, cependant je dirais qu'�tre libre, rechercher sa libert� par rapport � l'autre est une tendance inn�e chez l'homme, il ne m'appara�t pas n�cessaire d'appuyer cette propension par les faits que tu relates aussi bien au sujet de la condamnation � mort de Socrate que de l'ob�issance sans limites d'Abraham aux ordres de son Dieu. Les deux exemples peuvent se comprendre d'une autre fa�on ; ils peuvent s'interpr�ter par d'autres analyses. Il me semble que les fonctions de ces r�cits, car c'est bien de fonction qu'il s'agit, sont autres que ce que tu en dis. Pour Socrate en particulier, ne s'agissait-il pas plus simplement d'un suicide, un suicide qui serait la cons�quence d'un d�senchantement, suicide cons�cutif � une profonde d�ception ? On peut penser en effet que, s'apercevant de la totale incompr�hension des siens, le philosophe conclut que la vie ne valait plus la peine d'�tre v�cue d�s lors que les hommes, ses semblables, sont si �loign�s de ses id�aux. Il y a une autre explication possible encore : on peut en effet consid�rer que le philosophe accepte le verdict de ses juges par m�pris, m�pris pour des hommes qui, pour lui, ne sont pas dignes de la profondeur de sa pens�e et de son avance sur ce qui allait de soi � son �poque ; ces hommes - l� m�me qui d�tenaient le pouvoir au quotidien...

- Non Jo ! Non, ce n'est pas ainsi que nous devons analyser l'acceptation de la mort par Socrate, objecta Fa au m�canicien surprit de voir le dieu de la divination r�agir avec tant de vigueur ; d'ordinaire, les interventions de Fa sont rares et toujours empreintes de s�r�nit� ; celles-ci se limitaient le plus souvent � quelques indications dont le d�veloppement revenait � L�gba. Le m�canicien saisit l'occasion pour tenter de pousser le dieu � �tre plus loquace ; il dit en le regardant avec insistance :

- Pourquoi et comment seule votre interpr�tation serait plus proche de la r�alit�.?

- Le dieu rectifia aussit�t les propos de l'homme ; Fa pointa le doigt vers Jo et affirma tr�s calmement sans le quitter des yeux :

- Ce n'est pas une interpr�tation ! Puis, apr�s un silence, il ajouta : ce n'est pas une interpr�tation ; mais, les relations de ces deux �v�nements telles que tu les connaissais ne sont pas inexactes non plus, elles sont simplement incompl�tes. Les explications qui en furent donn�es n'abordent que quelques aspects, importants certes, de ces deux monuments.

Venant de Fa, le compliment surprit le m�canicien mais le dieu n'alla pas plus loin pour proposer par exemple, une justification qui s'imposerait � son esprit. ; Jo attendait. Il �tait d��u mais il ne trouva rien � dire non plus pour susciter chez Fa un d�veloppement plus exhaustif. Son attente ne dura qu'un instant, car, L�gba reprenait aussit�t la parole ; le dieu retrouvait ainsi le r�le que le m�canicien l'avait vu tenir d�s la premi�re rencontre.

- Pourquoi se serait-il suicid� ? demanda L�gba, et sans attendre la r�ponse du m�canicien, il poursuivit :

- Il faut consid�rer toute la vie de Socrate pour comprendre pourquoi on ne peut pas retenir ton explication. Certes, nul n'est en mesure de conna�tre les pens�es ultimes de l'homme � l'instant pr�cis o� il quitte ce monde, pas m�me Fa ne le peut ; il nous reste donc � consid�rer la vie de Socrate. Toute son existence fut un enseignement ; pour Socrate, vivre c'est enseigner, et il s'y �tait conform� jusqu'au bout. Esclave et serviteur, il a servi avec s�r�nit�, chacun de ses actes �tait un enseignement autant � destination des Grands que des Petits de son temps. Affranchi et devenu homme libre, c'est � l'�dification de ses semblables qu'il se consacra ; ce fut une continuit�. Dans un �tat comme dans l'autre, c'�tait en toute libert� qu'il professait. La libert� de l'homme, la libert� v�ritable de l'individu �tait au centre de sa p�dagogie, mais, il �tait conscient des limites des hommes ; voil� pourquoi nous ne pouvons pas dire qu'il �tait d�sabus�. Ce philosophe ne se faisait aucune illusion sur la nature profonde de ses semblables, il œuvrait pourtant pour que l'individu acc�de � une pens�e saine. Si on ne peut pas parler de d�ception, un suicide serait alors la n�gation de tout ce qu'il avait entrepris, ce serait la n�gation de sa vie.

- En somme, dit le m�canicien, il n'avait pas le choix pour rester en accord avec lui-m�me...

- Si, il l'avait en ce sens que ce n'�tait pas rester en harmonie, en coh�rence avec sa pens�e pour lui-m�me qui �tait l'essentiel ; on peut consid�rer sa mort et surtout la fa�on dont il l'assuma comme le point d'orgue de sa p�dagogie, un point d'orgue qui souligne l'union ind�fectible qui existe ou devrait exister entre l'homme et le concept de libert�, il souligne qu'il ne peut y avoir d'humain sans libert�. Refuser la libert� pour soi, c'est s'exclure de l'humanit�, et la refuser pour l'autre , c'est aussi s'exclure de l'humanit�...

� l'instant m�me o� L�gba pronon�ait ces paroles, un vibrant " Bonjour tout le monde ! " retentit ; les trois compagnons tourn�rent la t�te vers l'entr�e du jardin d'o� provenait l'exclamation et accueillirent l'auteur de cette joviale salutation. C'�tait Daniel, le fils du ma�tre de maison qui rentrait de l'�cole. Le gamin avait d�couvert les amis de son oncle en m�me temps que ses parents ; tr�s vite, il manifest� une grande affection aux dieux, et plus particuli�rement � L�gba ; celui - ci l'accueillit en r�pondant � sa jovialit� :

- Tu es en grande forme ! lui lan�a-t-il.

- Ouais !

- Tu veux fouiller Fa ? C'est peu - �tre un bon jour pour toi aujourd'hui !

Fa et le m�canicien �clat�rent de rire ; ils le firent de plus belle quand ils entendirent le gamin r�pondre :

- Oh oui , je veux bien !

Pour Daniel en effet, l'�laboration des figures en t�tragramme �tait un nouveau jeu. Quelques secondes plus tard, il prit un air d�sol� pour d�cliner l'offre ; avec regret, il dit :

- C'est que j'ai... un devoir de maths et un autre de physique � fouiller pour demain !

L�gba se leva, volontaire, il s'offrit pour l'aider � r�soudre ces petits probl�mes.

Allons-y ! dit simplement le dieu en entra�nant le gamin vers la maison.

�

� suivre...
P. G. Aclinou, mars - avril 2002
Plan du site - Vers le haut de page - En savoir plus sur l'auteur
Envoyez vos commentaires au r�gisseur du site. Copyright � — 1997 Lierre & Coudrier �diteur