La fonction transcendante
Aux quatre fonctions fondamentales (r�flexion, sentiment, intuition et perception) qui sont, selon ce que nous avons soulign�, des fonctions d’adaptation au monde, Jung ajoute une cinqui�me, qu’il appelle fonction transcendante, le ��je��.
Il pr�cise bien, d�s le d�but, qu’il n’est pas appropri� de comprendre ce terme de ��transcendant�� dans un sens m�taphysique�; il s’agit, l� encore, en examinant les choses de pr�s, d’adaptation, mais d’une adaptation non plus ext�rieure, mais int�rieure entre des oppos�s qui ne peuvent �tre r�concili�s que par un d�passement.
Cette fonction transcendante est illustr�e, de fa�on particuli�rement brillante, dans l’�tude d�j� mentionn�e sur les lettres de Schiller concernant l’�ducation esth�tique�; elle s’identifie � un principe �labor� par Schiller, lui-m�me, et qui, sous le nom de ��forme vivante��, est appel� � r�concilier les deux principes que Jung oppose du ��penser�� et du ��sentir��. Il faut nous en r�f�rer � ces pages substantielles des Types psychologiques�:
��Cette facult� qu’a la psych� inconsciente de guider l’�tre humain arr�t� dans une certaine situation vers une situation nouvelle en le transformant. Chaque fois qu’un individu est bloqu� par des circonstances ou par une attitude dont il ne parvient pas � se sortir, la fonction transcendante produit des r�ves et des phantasmes qui l’aident � construire, sur un plan symbolique et imaginaire, une nouvelle fa�on de vivre qui soudain prend forme et conduit � une attitude nouvelle. ��
��J’ai donn� � cette fonction conciliatrice des contraires le nom de fonction transcendante.��
Nous penserons,
peut-�tre, que le mieux que p�t faire Jung eut �t� de s’arr�ter ici,
puisque suit imm�diatement l’un de ces passages o� nous nous laissons
emporter, comme dans le langage parl�, par des comparaisons certainement
suggestives, mais qui sont priv�es de rigueur�:
��Elle n’a rien de myst�rieux�; c’est seulement une fonction d’�l�ments conscients et inconscients, analogue aux fonctions math�matiques o� on rencontre des grandeurs r�elles et des grandeurs imaginaires.��
La
persona
La partie par
laquelle le moi entre en relation avec le monde est appel�e par Jung la
persona, nom d�riv� de la trag�die grecque, o� cette d�nomination d�signait
le masque dont l’acteur se recouvrait la t�te pour jouer. Elle sugg�re l’id�e
que le moi agit d�form�, masqu�, dans ses relations avec l’ext�rieur.
��La persona est un complexe fonctionnel auquel on parvient pour des motifs d’adaptation ou de n�cessaire commodit�, mais il n’est pas identique � l’individualit�. Celle-ci se r�f�re exclusivement aux relations avec l’objet, avec l’ext�rieur.��
��C’est un compromis majeur touchant � tout ce qui appara�t entre l’individu et la soci�t�.��
La persona est donc un pont entre l’image structurelle du monde et la structure interne de l’individu. Pour qu’elle puisse agir efficacement, elle doit poss�der trois �l�ments imbriqu�s entre eux et formant une structure�:
- 1)� l’image id�ale que tout �tre humain porte en lui, en accord avec celle selon laquelle il aimerait se comporter�;
- 2)� l’image qui s’est form�e dans le milieu o� il agit en conformit� avec ses go�ts de m�me qu’avec ses id�aux et ses comportements�;
- 3)�les conditions physiques et psychiques du sujet qui posent des limites � ses possibilit�s de r�alisation du moi.
Ces trois fonctions adaptatives doivent agir en harmonie, pour permettre une adaptation parfaite. Si elles ne sont pas bien int�gr�es, le sujet ne parviendra � r�aliser sa t�che qu’au prix de grandes difficult�s, et cette situation sera un facteur d�terminant d’emp�chement dans le d�veloppement de la personnalit�.
Par exemple, si un homme adopte uniquement les valeurs et les comportements que lui impose la collectivit�, il sera un repr�sentant typique de la masse anonyme. Si, en revanche, il pr�te une attention exclusive � sa propre image id�ale, il agira comme un extravagant, un solitaire et m�me un rebelle.
� la persona appartiennent non seulement les constantes psychiques de notre personnalit�, mais aussi nos mod�les, notre fa�on de nous exprimer, de nous habiller, de marcher, de parler, notre mani�re habituelle d’affronter les probl�mes existentiels de peu d’importance et tous les d�tails qui campent socialement un homme.
Chez un individu bien adapt� au monde ext�rieur, la persona est une barri�re �lastique, mais dont nous pouvons nous affranchir et qui lui assure une conduite � l’int�rieur des limites normales de cohabitation. En revanche, quand cette barri�re devient rigide, se m�canise et se transforme en ��masque��, elle agit comme une camisole de force, qui emp�che une adaptation logique et active aux mises en demeure du milieu ambiant et d�truit la personnalit�.
Selon Jung�:
��L’identification � la fonction, � la profession ou au titre, a quelque chose de s�duisant�; mais, � travers cela, beaucoup de personnes se r�duisent � la dignit� que la soci�t� leur a attribu�e.��
La persona, en agissant sous le couvert d’un masque rigide, procure une compensation �conomique aux insuffisances personnelles.
Souvent, derri�re une personne brillante, se cache un monde de tristesse et de pu�rilit�.
L’�me
Jung entend par ���me�� un concept beaucoup plus restreint que la plupart des psychologues. Pendant que presque tous y voient le synonyme de psychisme, pour Jung, c’est seulement la portion du moi tourn�e vers l’inconscient. C’est-�-dire que c’est un complexe fonctionnel, �quivalent � la persona, mais dirig� vers l’int�riorit�, vers l’inconscient. Cette structure est ind�pendante des contingences ext�rieures et elle varie seulement en fonction de crises existentielles.
��Selon mon opinion, �prouv�e par l’exp�rience, le principe g�n�ral, en ce qui concerne le caract�re de l’�me, est qu’elle se comporte de mani�re compl�mentaire par rapport au caract�re ext�rieur. L’exp�rience nous enseigne qu’elle poss�de habituellement toutes les qualit�s humaines g�n�rales qui manquent dans la disposition consciente. Le tyran tortur� par de mauvais r�ves, de sombres pressentiments ou d’intimes frayeurs, est une figure typique. Ext�rieurement d�consid�r�, dur et inaccessible, il est int�rieurement accessible � n’importe quelle angoisse, � n’importe quel caprice, comme s’il s’agissait de l’�tre le moins ind�pendant et le plus influen�able... Le caract�re compl�mentaire est aussi mis en �vidence dans le caract�re sexuel, comme j’ai pu le v�rifier, � maintes reprises, de fa�on indubitable. Une femme tr�s f�minine aura une �me masculine et un homme tr�s viril une �me f�minine.��
Barbara Hannah pr�cise�: ��Si nous d�sirons honn�tement trouver notre propre totalit�, pour vivre notre destin individuel aussi pleinement que possible�; si nous voulons vraiment, par principe, abolir l’illusion et trouver la v�rit� de notre propre �tre, si peu que nous d�sirions �tre ce que nous sommes, alors il n’y a rien qui puisse, autant que l’imagination active, nous aider dans notre effort.��
Cette m�thode rend l’individu ind�pendant de toute aide ext�rieure, elle permet une confrontation directe avec les mat�riaux de notre inconscient.
La psychologie de Jung est, en effet, tout enti�re centr�e sur le d�veloppement de l’individu en qu�te de sa totalit�, "l’individuation", �tant bien entendu que plus un �tre devient conscient et pr�sent � lui-m�me, plus il est aussi pr�sent � autrui et au monde.
Barbara Hannah�:
��L’�tre humain est en possession de bien des choses qu’il n’a jamais acquises par lui-m�me, mais qu’il a h�rit�es de ses anc�tres. Il ne na�t pas tabula rasa mais simplement inconscient. Il apporte en naissant des syst�mes organis�s sp�cifiquement humains et pr�ts � fonctionner, qu’il doit aux milliers d’ann�es de l’�volution humaine...
Les syst�mes h�rit�s correspondent aux situations humaines qui pr�valent depuis les temps les plus anciens, ce qui veut dire qu’il y a jeunesse et vieillesse, naissance et mort, il y a fils et filles, p�res et m�res, il y a accouplement, etc. Seule la conscience individuelle vit ces divers facteurs pour la premi�re fois. Pour le syst�me corporel et pour l’inconscient, ce n’est pas nouveau.��