...
plus divins que toutes les �toiles �clatantes
nous paraissent les yeux sans nombre que la Nuit fait s’ouvrir en nous�!
Novalis - Hymnes � la nuit
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Les r�ves et les images int�rieures occupent une place primordiale dans l’Histoire et dans le monde depuis probablement la naissance de cette tranche-ci d’humanit�.
Cependant leur existence pose toujours probl�me, la science a, certes, d�montr� que l’homme r�vait - on le sait depuis pr�s de 100�000 ans - mais n’a rien apport� de neuf quant au contenu du r�ve.
Freud a voulu donner une approche scientifique du r�ve en fondant des interpr�tations sur une grille contenue dans la th�orie psychanalytique.
Jung, de son c�t�, tenta une autre approche, par une contribution qu’il voulut moins r�ductrice en diversifiant les polarit�s de la libido et en attribuant aux r�ves un r�le jusque l� ignor�. Le r�ve aurait pour fonction d’�tablir une communication entre la conscience et l’inconscient et pour but, le r�tablissement d’un �quilibre dynamique de l’un � l’autre. Ce dernier ayant pour finalit� de rendre plus fluide l’immersion du conscient dans la r�alit�. C’est supposer que conscient et inconscient aient l’un et l’autre un projet.
En France la pol�mique, n�e au lendemain de la rupture de ces deux g�ants de la psychanalyse, s�vit toujours entre les deux �coles issues de ces p�res fondateurs.
Du c�t� de la neurologie et de la physiologie, rien de neuf n’a �t� apport� de particulier depuis les ann�es 70, avec la d�couverte des phases du sommeil. On exploite au maximum les d�couvertes de M.�Jouvet � des fins m�dicales mais la recherche fondamentale stagne par manque de moyens mais, probablement aussi, par manque d’int�r�t pour les r�ves. On sait que l’on r�ve, scientifiquement parlant, mais nul ne sait ce dont le chat, le singe ou l’homme r�vent, ni pourquoi tel r�ve survient plut�t que tel autre. Or c’est ce qui fascine le plus et c’est aussi ce qui a laiss� des traces dans l’Histoire. Cela les neurologues et autres physiologistes semblent ignorer.
Force nous est de revenir � l’empirisme de la pratique quotidienne, nous basant sur une �coute attentive du langage du r�ve qui faciliterait une meilleure dialectique conscient/inconscient. C’est l’essentiel de la pratique psychoth�rapeutique ou psychanalytique.
Cela suppose d’embl�e l’existence de deux zones, au moins, de la psych� humaine�: l’inconscient, le conscient et qu’il existe des communications permanentes entre ces couches de la psych� humaine.
Outre les r�ves, les �changes entre la conscience et d’autres zones de la psych�, surviennent - apparaissent � la conscience - des images ou visions dont la trame est plus ou moins �labor�e, � des moments particuliers que la physiologie a �galement tr�s peu �tudi�es. Suivant les �coles, les modes et la culture, on les nomme fantasmes, fantaisies, images, visions, hallucinations...
Parler de fantasme, en fran�ais, c’est laisser supposer qu’il s’agit d’une production tout � fait trompeuse, mensong�re, fruit de l’imagination, en somme quelque chose qui n’a ni consistance ni int�r�t sinon comme production n�vrotique. C’est dire que ces productions de l’imaginaire ne suscitent que suspicion et m�fiance.
Pourtant la ��r�alité » de ces images jalonne l’Histoire et, parfois, la forge. Si l’on parle de vision, Dieu n’est pas loin.
On admet pourtant que ces productions sont aussi en relation avec le processus cr�atif.
Hors du processus n�vrotique ces images int�rieures seraient donc tout � fait exceptionnelles, survenant � des moments exceptionnels chez des �tres d’exception ou dont la fonction culturelle est sp�cifiques - artistes, inventeurs...
On comprend que le r�ve, cantonn� � la vie nocturne puisse faire l’objet d’une attention pour les sp�cialistes du cerveau. Au moins entre le jour et la nuit, la veille et le sommeil, la fronti�re est tr�s nette.
On �tudie les abysses de l’oc�an, on explore les recoins les plus inattendus de la plan�te, on peut accorder quelque attention � la vie nocturne ou une � activit� psychique durant le sommeil, m�me si les termes activit� et sommeil paraissent antinomiques.
De l� � passer un seuil et supposer l’existence d’une activit� parall�le � celle de la conscience il y a un ab�me. Pour M.�Jouvet, d’un point de vue purement physiologique ce ne sont pas les m�mes zones qui sont concern�es par l’activit� diurne et l’activit� nocturne. On peut donc supposer sans trop de risques qu’il en est de m�me en ce qui concernent les fantaisies de la psych�.
Fantasme que tout cela�! Illumination de mystique�! C’est l’opinion qui domine.
For�ant un peu l’attention du lecteur on finira par lui faire accroire l’existence de quelques visions passag�res et fugaces qui traversent la conscience. Et l’on admettra aussi bien que cela concerne les sens de la vue. Nous l’avons compris, fantasme, vision, image, pour peu que l’on en admette l’existence se pr�sentent sous forme visuelle.
Rien n’est moins s�r�! L’exp�rience nous am�nerait � penser que les cinq sens sont concern�s. Dans ce cas, pouvons-nous parler d’images�? Bien s�r, car il s’agirait de repr�sentations, de fantaisies et ces particularit�s du processus psychique peuvent tout aussi bien affecter la vue que le toucher, l’olfaction ou l’ou�e, le go�t pourquoi pas.
De nombreux t�moignages vont dans ce sens et il suffit parfois de faire une enqu�te sommaire autour de soi pour constater que la vie psychique peut en effet rev�tir bien des aspects.
Et si nous allions plus loin en disant que m�me les pens�es peuvent se pr�senter comme des repr�sentations qui �chapperaient en fait au contr�le de la conscience�?
Le lecteur le plus complaisant se met � sursauter...
Pourtant nombre d’�crivains seraient enclins � dire que, parfois, la plume leur �chappe...
Nous aborderons dans un premier temps la question des r�ves et principalement le r�le qu’ils tiennent dans l’activation de la communications essentielle entre les instances conscientes et les instances conscientes. Le fond conceptuel auquel nous faisons r�f�rence est celui de C. G. Jung, c’est pourquoi en ce qui concerne l’interpr�tation des contenus nous renvoyons le lecteur � Jung mais aussi � sa collaboratrice la plus prolixe, M.�L. Von Franz, notamment � la s�rie d’�tudes qu’elle a consacr�e � l’interpr�tation des contes de f�es.
Il s’agira surtout de faire pressentir au lecteur que la psych� humaine n’est ni une ni ��totale��. La pratique et l’examen attentif de t�moignages depuis plus de 30 ans nous a conduit � poser l’hypoth�se selon laquelle l’unit� de la conscience, par suite celle de l’Inconscient ne d�couleraient que des repr�sentations du monoth�isme. C’est pourquoi l’animisme et le f�tichisme, quoique consid�r�s comme primitifs, peuvent nous �tre tr�s utiles pour comprendre les m�canismes psychiques. Au regard de la psychologie, il n’est pas de bon ton d’�voquer l’infinie diff�renciation de la psych�, donc de son morcellement.
Dans un deuxi�me temps nous aborderons la question, pour nous fondamentale, de l’existence des images int�rieures et leur articulation � la dialectique Conscient/Inconscient. Cette approche nous conduira � poser l’existence d’une instance m�diatrice entre les la conscience et le conscient qui agit en toute autonomie, de mani�re salvatrice et inventive pour la conduite des petites affaires humaines tout autant que pour les grands desseins. L’existence de ce centre autonome est d�j� signal�e dans des textes historiques, dans l’Islam chiite mais aussi par les Soufis. Or les Hadiths - r�cits compl�mentaires de la tradition du Livre dans l’Islam. Ils sont compos�s de t�moignages sur la vie du Proph�te et de commentaires du Coran —�auraient repris une antique tradition d’o� serait �galement issue un ��yoga occidental���: l’Oraison monologiste des P�res du d�sert, dont le Proph�te Mohammad aurait �t� un disciple. Qu’il exist�t un malentendu � relier une science, l’anthropologie, � des religions peut choquer des psychologues praticiens. Mais c’est bien l� l’essentiel de la pratique anthropologique que de dresser des hypoth�ses prudentes � partir d’�l�ments apparemment disparates.
Dans un troisi�me temps nous aborderons la fa�on dont nous pouvons, cette fois, dans la pratique quotidienne, reprendre cette trilogie - conscience-m�dian-inconscient —�et la mettre au service de nos m�tiers de mani�re extr�mement pertinente.
Les r�ves, r�le et interpr�tation
� Les r�ves dans l’Histoire et dans les mythes
Il n’est pas n�cessaire d’insister sur l’impact des r�ves dans l’Histoire et dans les mythes. On conna�t le r�ve oubli� de Nabuchodonosor et le r�le d’interpr�te que joua le proph�te Daniel.
Rappelons aussi, � l’origine de la guerre de Troie, le r�ve de la reine H�cube, �pouse de Priam, roi de la cit� troyenne. Nombreux sont �galement les songes ou les visions au cours desquelles les dieux apparaissent, porteurs d’un message plus ou moins sibyllin et dont l’interpr�tation n�cessite la sagesse d’un mage.
Ainsi Balthazar, lors d’un festin de victoire vit appara�tre une main qui �crivait sur un mur. Ce fut Daniel qui donna l’interpr�tation qui subjugua le dernier roi de Babylone.
Ce qui est int�ressant dans cet �pisode mythique c’est le r�le d’une part de l’image et non d’un r�ve, de l’�criture d’autre part. Ce qui conf�re � l’interpr�tation une fonction de traduction.
Voici le r�cit biblique du Livre de Daniel�:
��Le roi Balthazar donna un grand festin pour ses seigneurs, qui �taient au nombre de mille, et devant ces mille il but du vin. Ayant go�t� le vin, Balthazar ordonna d’apporter les vases d’or et d’argent que son p�re Nabuchodonosor avait pris au sanctuaire de J�rusalem, pour y faire boire le roi, ses seigneurs, ses concubines et ses chanteuses. On apporta donc les vases d’or et d’argent pris au sanctuaire du Temple de Dieu � J�rusalem, et y burent le roi et ses seigneurs, ses concubines et ses chanteuses. Ils burent du vin et firent louange aux dieux d’or et d’argent, de bronze et de fer, de bois et de pierre. Soudain apparurent des doigts de main humaine qui se mirent � �crire, derri�re le lampadaire, sur le pl�tre du mur du palais royal, et le roi vit la paume de la main qui �crivait.��
Le roi, fit venir Daniel qui lui dit�: ��L’�criture trac�e, c’est�: Men�, Men�, Teqel et Pars�n. Voici l’interpr�tation de ces mots�: Men�: Dieu a mesur� ton royaume et l’a livr�; Teqel�: tu as �t� pes� dans la balance et ton poids se trouve en d�faut�; Pars�n�: ton royaume a �t� divis� et donn� aux M�des et aux Perses. ��Alors Balthazar ordonna de rev�tir Daniel de pourpre, de lui mettre au cou une cha�ne d’or et de proclamer qu’il gouvernerait en troisi�me dans le royaume. Cette nuit-l�, le roi chald�en Balthazar fut assassin�.��
Il faut nous d�fier d’interpr�ter l’interpr�tation et d’en r�duire le contenu � notre position du moment, historique, m�taphysique ou psychologique. Les commentaires que nous pouvons faire des r�ves et r�cits de visions doivent �tre assujettis � une minutieuse �tude du contexte historique dans lesquels ceux-ci prennent forme. Tout comme l’anthropologue ne conclut quoique ce soit sur la d�couverte d’un site sans soumettre les r�sultats des ses trouvailles � de nombreuses expertises, g�ologiques, historiques ethniques, etc. l’historien ne peut rien conclure d’un r�cit de r�ve s’il n’a pas une solide connaissance du contexte culturel, �conomique, historique, g�ographique voire linguistique dans lequel le r�cit s’enracine.
Et c’est � partir de ces premiers �l�ments d’investigation que l’on peut avancer une interpr�tation psychologique sens�e et cette derni�re n’aura rien d’un discours m�taphysique.
Pour leurs �tudes sur les r�ves Emma Jung et Marie Louise Von Franz se sont transform�es en v�ritables linguistes et historiennes.[1]
Le r�ve comme transformateur
Il ressort n�anmoins un trait commun de ces r�cits que les mythes rapportent�: les r�ves ou les visions sont de puissants transformateurs de culture, voire de civilisations. Dans les temps historiques nous ne pouvons oublier le r�le que jou�rent les visions et les r�ves dans la vie du Proph�te Mohammad. Et ce fut la naissance de l’Islam.
C’est dire la formidable puissance emmagasin�e par le r�ve et dont le d�veloppement fa�onne une tranche d’histoire.
Fort justement Michel Jouvet affirme�: ��Gardien et programmateur p�riodique de la part h�r�ditaire de notre personnalit�, il est possible que chez l’homme, le r�ve joue �galement un r�le prom�th�en moins conservateur. En effet, gr�ce aux extraordinaires possibilit�s de liaisons qui s’effectuent dans le cerveau au moment o� les circuits de base de notre personnalit� sont programm�s, pourrait alors s’installer un jeu combinatoire vari� � l’infini
On ne peut mieux faire appara�tre le r�le psychopompe du r�ve et c’est un physiologiste qui l’affirme.
Le r�ve met trois acteurs en relation�: le r�veur bien entendu, un interpr�te et un groupe ethnique.
R�veurs et interpr�tes rev�tent des caract�ristiques sp�cifiques - rois, asc�tes, proph�tes, etc. - qui les rendent remarquables aux yeux du groupe.
On retrouvera ces �l�ments dans de nombreuses ethnies, tant en Afrique qu’en Inde, en Asie ou chez les Am�rindiens. Ces r�ves ne peuvent �tre confondus avec les r�ves personnels que chacun de nous peut collecter au matin. Ce sont ce que C. G. Jung a appel� des ��grands r�ves��.
Cette fonction ��proph�tique�� du r�ve n’a pas disparu dans l’enfer des technologies et du rationalisme technique...
Paradoxalement c’est l’�tude des r�ves personnels du quidam contemporain qui nous permettra d’approfondir notre approche des r�ves et visions qui ont fa�onn� l’Histoire.
Une chose est tranch�e, nous r�vons tous. C’est un apport fondamental des physiologistes. Par cons�quent, si un sujet pr�tend ne pas r�ver c’est qu’il manque un relais de communication entre sa conscience et les lieux de la psych� d’o� les r�ves �mergent. Avec un peu d’habitude, ce pont finit par exister. M�me si la production para�t pauvre, la nuit parvient � laisser quelques traces qui suffisent � p�n�trer dans ces mondes inconnus.
On peut distinguer quatre grandes cat�gories de r�ves personnels.
� Diff�rentes cat�gories de r�ves
Certains r�ves se rapportent directement � l’histoire du sujet, il apportent des informations sur l’�tat des relations entre les diff�rentes couches de la conscience et celles de l’inconscient.
� ce stade nous introduisons une distinction quasi h�r�tique�: ni la conscience, ni l’inconscient ne participent de l’unit�. Si Michel Jouvet aimait rappeler cette parole�: ��Je est un autre��, nous insistons pour dire que ce que nous pensions �tre une unit� n’est en fait que fragments, myriades d’�l�ments interagissant avec plus ou moins d’�nergie. La seule unit� qui existe, et encore parce que nous participons d’une culture mat�rialiste objectale, c’est le corps�! Le reste, ce que nous nommons la psych�, n’est que nuage plus ou moins dense.
D’autres r�ves v�hiculent des informations qui vont au-del� de l’histoire de la conscience. Ce sont eux que C. G. Jung appelle ��les grands r�ves��. Ces derniers v�hiculent des repr�sentations communes au patrimoine de l’humanit�, des grands symboles demeur�s actifs depuis des mill�naires. Et ces derniers ne d�pendent en rien de l’environnement culturel et g�ographique du sujet. Un individu n� � Toronto, y vivant depuis sa naissance et n’ayant jamais voyag� peut fort bien v�hiculer des images venues des lointaines steppes de la Mongolie. Ces r�ves appartiennent �galement au sujet. Nous voulons dire qu’ils concernent son �volution personnelle mais leur contenu universel a sans doute pour fonction, outre leur sens profond, de rappeler � celui-ci qu’il n’est pas seul sur cette terre et qu’il est reli� � l’exp�rience commune de l’humanit�. C’est probablement cela qui fait penser � certains qu’il s’agit de r�ves � connotation religieuse...
Par ailleurs, il existe des r�ves qui appartiennent au collectif, au groupe dans lequel le sujet �volue. Ces r�ves donnent des informations qui vont au-del� de ce que le sens commun v�hicule sur tel ou tel sujet important, sur tel �v�nement majeur.
Peu avant la chute du mur de Berlin, certaines personnes produisirent des r�ves qui, malgr� moult tentatives, ne pouvaient que s’interpr�ter de cette mani�re.
Dans de nombreuses ethnies, on apprend tr�s t�t aux enfants � faire la distinction entre les r�ves personnels et ceux qui concernent le groupe.
��Chez les Esquimaux, il ne viendrait � l’esprit de personne, f�t-il un enfant, de cacher aux autres ses propres r�ves.��, nous rapporte Didier Anzieu.[3] Et les grands �v�nements d’un groupe sont ponctu�s par ces �mergences de la nuit que chacun pourra reconna�tre ou qui n�cessiteront la sagacit� d’un chaman.
Dans nos soci�t�s ses r�ves existent mais leur prise en compte est n�glig�e. Plus, il n’existe pas de v�ritable guidance �ducative qui permettrait, d�s l’enfance, de faire le distinguo entre les diff�rentes sortes de r�ves. Tr�s souvent une cure psychoth�rapeutique se r�sume en cet apport qui permettra � l’individu d’acqu�rir quelques rep�res dans ce cheminement, rien de plus. La personnalit� du sujet fera le reste.
Enfin certains r�ves peuvent �tre consid�r�s comme saisonniers car ils ponctuent les ��saisons de l’�me��, ces grands passages de la vie. Sommairement nous pourrions distinguer la p�riode du passage du b�b� � l’enfant, ponctu�s par de forts cauchemars dans lesquels des �tres fantasmagoriques menacent de d�vorer ou d’engloutir le petit humain. Plus tard au passage � l’�ge adulte en fin d’enfance, entre 8 et 14 ans, d’autres r�ves singuliers surviennent. L’�ge d’entr�e dans la maturit� apportent son lot d’autres images oniriques particuli�res - entre 25 et 30 ans. Le mitan de la vie, entre 45 et 50 ans voit appara�tre d’autres images. La fin de vie, pour terminer, laisse entrevoir le seuil de l’au-del�, semblant ainsi pr�parer le sujet � son passage de l’autre c�t�.
Soit cinq saisons en tout...
Le m�canisme physiologique du r�ve a bien �t� mis en �vidence par les chercheurs depuis Michel Jouvet d�s 1958.[4] Et selon sa propre expression nulle progression ne s’est op�r�e depuis une trentaine d’ann�es.
Cependant les rouages qui d�terminent telle ou telle cat�gorie de contenu �chappent � notre compr�hension et nous ne pouvons que dresser des hypoth�ses que le travail de la psychoth�rapie contribue � forger.
Selon un pr�jug� tenace, mais qui ne tient pas � l’observation, les r�ves ne seraient que tiss�s des informations de l’�tat de veille. Ce qui para�t assujettir leurs contenus � ceux de la conscience. Cela supposerait, par incidence, que la conscience serait capable de se rem�morer les �v�nements importants qui seront repris dans le r�ve et qu’elle contr�le en quelques sorte les m�canismes du r�ve.
En fait, dans la dialectique Conscient/Inconscient, c’est le Conscient qui demeure tributaire de l’Inconscient.[5] Cela C. G. Jung l’a parfaitement montr� et cette hypoth�se est la plus pertinente si nous voulons articuler le langage du r�ve � celui de la conscience. Un r�ve se constitue en fait comme une tablette de hi�roglyphes. C’est l’analogie la plus proche qui soit. Les ��signes�� qui constituent le contenu du r�ve sont certes issus de la vie de veille mais ils op�rent gr�ce � la puissance de l’affect qui leur est attach�.
� �L’affect dans le r�ve
Au r�ve personnel porteur de sens est toujours attach� un affect qui indique la charge d’�nergie potentielle attach�e au message. Cet affect peut �tre constitu� d’�motions mais il existe d’autres mani�res de repr�senter la charge affective, les couleurs, les sons, les parfums, etc. En fait les cinq sens peuvent �tre mobilis�s soit de mani�re singuli�re soit en synergie. Cependant les r�ves qui mobilisent tous les sens sont rarissimes. Les r�ves qui contiennent des sons sont eux-m�mes rares, m�me chez des musiciens.
Les r�ves en couleurs ne sont pas fr�quents et quand ils existent de fa�on constante chez un individu, cela met l’accent sur un aspect particulier de sa personnalit�.
Les affects sont constitu�s, la plupart du temps, par des �motions communes, facilement rep�rables par le r�veur.
Or c’est l’affect qui �tablit la v�ritable connexion porteuse de signification entre la r�alit� de la conscience et la r�alit� du r�ve.
Tout se passe comme s’il existait une ou plusieurs r�alit�s parall�les � celles de la conscience et que celles-ci communiquent par l’interm�diaire de points de jonction signal�s par les affects.
La conscience n’accordant pas la m�me importance que l’inconscient aux �v�nements, celui-ci se saisit d’�v�nements particuliers de la vie courante pour attirer l’attention du r�veur vers d’autres horizons, une autre dynamique de vie. Cela induit l’hypoth�se selon laquelle quelque chose en nous per�oit et enregistre plus que ce que la conscience m�morise. Cela, nous pouvons nous en servir dans un travail en profondeur sur les images int�rieures.[6]
� �La dynamique du r�ve
Nous avons vu que le r�ve est une sorte d’op�rateur m�dian entre diff�rentes instances inconscientes et la conscience. On retrouve cette fonction dans le contenu m�me du r�ve qui met en relation diff�rents acteurs comme sur une sc�ne fantastique. Le mouvement des objets du r�ves est important car c’est ce qui signale quelle dynamique est en cours et quelle transformation s’op�re.
C’est pourquoi les r�ves sans mouvement, ceux o� les acteurs sont immobiles signalent une certaine immobilit� de la psych� et il peut s’agir d’une sorte d’alerte.
L’�tre humain sait retrouver cet aspect �trange et charg� d’inqui�tude�: dans certains films, l’angoisse est souvent suscit�e par un plan de sc�ne o� n’existe aucun mouvement.[7]
Par r�flexe, nous n’aimons pas les cauchemars ni les r�ves violents et cet instinct nous prot�ge probablement d’une d�rive vers les abysses de l’inconscient. Cependant il ne faut pas �valuer la violence des r�ves � l’aune de notre propre sensibilit�. En effet les r�ves dans lesquels les acteurs se croisent avec violence, charge d’animaux, lutte entre protagonistes, agression par des tiers, etc. ne font que signaler la charge �nerg�tique/�motionnelle incluse dans un mouvement en cours.
Dans la mesure o� le contenu du r�ve est soit compensatoire soit compl�mentaire aux mouvements de la conscience[8] cette violence est destin�e � attirer l’attention sur une trop grande diff�rence de potentiel entre la conscience et les autres instances.
� L’importance du contexte
Nous percevons donc combien le contexte dans lequel �merge un r�ve est de toute premi�re importance. Dans la mesure o� le r�ve personnel puise ses images repr�sentatives dans le quotidien�du r�veur et qu’en outre il met l’accent sur des �l�ments de ce quotidien que la conscience a n�glig�s, l’examen minutieux de toutes le p�rip�ties du quotidien est incontournable. Bien souvent d’ailleurs on ��tombe�� sur un �v�nement totalement anodin qui charrie cependant avec une lui une suite de m�taphore qui, par association peuvent conduire le r�veur dans un tr�s long d�dale int�rieur de sa vie pr�sente ou pass�e.
En cela le r�ve peut �tre consid�r� comme ma�tre en soi, du dialogue conscient/inconscient.
� L’interpr�tation
C’est ainsi que se pose la question de l’interpr�tation et de la mani�re dont elle doit �tre conduite.
Suite � la vision de Balthazar, le Proph�te Daniel se contente de suivre avec le roi ce que la main a �crit. Il lit, puis il traduit. Et cet opus suffit � d�clencher une action importante et in�luctable.
Face � un r�ve, si nous pouvions nous contenter de n’�tre que traducteur, le travail sur le r�ve confinerait � une sorte d’artisanat, de ciselure sur les bords de l’�me. Mais bien souvent la tendance rationaliste l’emporte et nous finissons par r�duire le r�ve � une grille plus ou moins �labor�e et c’est une d�floration du sens profond du r�ve. Dans l’id�al nous devrions renoncer � ��comprendre�� le sens d’un r�ve, laissant ainsi ce dernier continuer son propre travail.
Dans le quotidien, souvent, un carnet de bord qui consigne les diff�rents �v�nements de la journ�e et un carnet de r�ve suffisent � nous �viter le long d�tour d’une psychoth�rapie. Parfois m�me, le pseudo cheminement th�rapeutique se r�sume en un long travail d’acquisition de r�flexes d’�coute de ces messages que notre vie trop intellectuelle et mat�rialiste nous ont conduit � d�laisser.
� R�le et fonction du r�ve
C’est Michel Jouvet qui pourrait conclure cette approche sur les r�ves personnels�:
��C’est
le r�ve qui ferait que chacun de nous est diff�rent, et c’est la m�moire g�n�tique
de chaque individu qui s’exprime par le r�ve. C’est mon hypoth�se.��[9]
Si M.�Jouvet parle de m�moire g�n�tique, cela rejoint �trangement la notion d’Inconscient collectif mise en �vidence par C. G. Jung et celle-ci va bien au-del� du contenu des r�ves personnels
Retour aux grands r�ves de l’Histoire
� �Interpr�tation au plan du sujet et r�le du groupe
Jung prenait d’abord le r�ve comme drame int�rieur dans lequel le r�veur et les acteurs interagissaient comme autant d’�l�ments de la personnalit� du sujet. Drame - action - relation - dont le r�veur se doit de prendre conscience, pour un projet dont l’objectif est � jamais inconnu, soit dit en passant. C’est ce que Jung nommait interpr�tation au ��plan du sujet��.
Il est aussi possible de lire un r�ve au ��plan de l’objet��. Dans ce cas, les acteurs sont des �l�ments de la vie objective du r�veur mais une telle interpr�tation, outre qu’elle renforce souvent les projections faites sur des tiers, conf�re � la conscience une puissance et une tendance � la domination qui peut poser probl�me. La lecture des r�ves nous apprend � faire le deuil d’une volont� de compr�hension qui n’est qu’un des aspects d’une volont� de toute puissance bien souvent n�faste � notre immersion dans le monde. La conscience ne domine pas les �l�ments, elle en est issue et comme une �le volcanique surgie des flots elle grandit gr�ce au mat�riaux en fusion qui lui vienne de la profondeur. Elle en est construite, elle en d�pend.
Pourtant si nous �tudions attentivement la lecture que Daniel fait des r�ves de Nabuchodonosor et de la vision de Balthazar, nous constatons qu’il se situe au plan de l’objet. Le roi est au centre de la sc�ne et les �l�ments du r�ve sont pris comme autant de repr�sentations de ce qui se passe dans le royaume et aupr�s de ses sujets.
Une telle interpr�tation est-elle due au fait que nous sommes en pr�sence d’�tres exceptionnels, les rois de Babylone�? Partiellement, oui.
Si nous revenons au contexte de ces �poques, au 7e si�cle av. J.-C., la cosmogonie en place, avant l’�mergence du monoth�isme, situe le roi comme principal m�dia entre les dieux et la masse indiff�renci�e des sujets du royaume. Autant dire que la conscience individuelle n’existe pas, c’est le roi, investi par les dieux, qui tient lieu de conscience pour tous. Ce qui revient � dire que, hormis le roi, nul conscience n’existe, seul un gigantesque maelstr�m d’o� surgira bient�t Yahv�.
Vu sous cet angle le proph�te Daniel se tient au ��plan du sujet��, puisque le roi n’est que la conscience d’un gigantesque corps constitu� par le royaume et ses sujets. C’est ce qui explique la singularit� constante de Daniel par rapport aux autres mages. N’a-t-il pas en effet ��ramené » le r�ve que Nabuchodonosor avait laiss� ��partir de lui���? Daniel est l� comme un �l�ment de conscience avanc�e, quelques si�cles en avant�; figure �clairante du monoth�isme et des symboles d’unit�...
Ceci nous confirme la difficult� qu’il y a � accueillir puis � traduire les grands r�ves collectifs. Non pas t�che impossible mais n�cessit� de s’entourer de tous les �l�ments que la science nous fournit afin d’�tre dans un mouvement de lecture et non de compr�hension.
Quant aux porteurs de la lumi�re �clairante des images, notre monde semble les ignorer et seuls quelques cr�atifs-artistes auraient le privil�ge d’�tre au centre d’un dialogue entre les deux rives de la psych�.
Toulouse le 10 octobre 2004
[1] - Consulter la s�rie d’ouvrages de l’une et l’autre sur l’interpr�tation des contes de f�es et sur les l�gendes germano-celtiques.
[2] - Histoire naturelle du r�ve, fonctions du r�ve, conf�rence de Michel Jouvet, in http://sommeil.univ-lyon1.fr/articles/jouvet/histoire_naturelle/p11.html.
[3] - Les esquimaux et les songes, Revue fran�aise de Psychanalyse, tome XL, janvier-f�vrier 1976, reproduit avec l’aimable autorisation de l’�diteur in�:
http://www.hommes-et-faits.com/index_0.html - Rubrique, Une soci�t� de l’image.
[4] - Le sommeil et le r�ve, Michel Jouvet, �ditions Odile Jacob, 1992.
[5]� - C’est ce qui est d’ailleurs signal� par les r�ves du jeune enfant entre 3 et 6 ans qui signalent qu’un �tre d�voreur menace de l’avaler, de le d�vorer, de l’engloutir. On peut traduire par�: La toute jeune conscience en voie de constitution, encore fragile, est menac�e d’engloutissement par les forces gigantesques de l’Inconscient figur�e ainsi par cet �tre surpuissant.
[6] - Si la recherche sur les phases du sommeil et la vie onirique a peu progress� depuis 20 ans, en ce qui concerne les images int�rieures, c’est le grand d�sert.
[7] - Ce ne sont pas les seuls �l�ments semblables au r�ve que l’on retrouve dans les r�ves. Lire � ce sujet l’excellent travail d’analyse de Catherine Barb� sur Le silence des agneaux in http://www.hommes-et-faits.com/cinema/kb_anio.htm.
[8] - Voir � ce sujet les �tudes de C. G. Jung et de ses continuateurs les plus proches.
[9] - http://www.cybersciences.com/cyber/4.0/dec_jan98/entrevue.asp