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Quelques concepts de la psychologie analytique


Jung est tr�s n�gativement appr�ci� de ceux qui revendiquent une position scientifique et c’est � dessein qu’il laiss�t libre l’ensemble conceptuel qu’il �labora au cours de sa vie. Peu lui importait de fixer dans le marbre la m�moire de sa contribution � la psychologie, il savait que, t�t ou tard il serait trahi, dans l’esprit. Par contre, il s�t insister sur l’aspect dynamique et fluctuant de la psych� humaine dont il nous a transmis la description. S’il fallait attendre de lui qu’il d�crive l’eau, il eut s�remnt dit qu’il s’agissait d’un m�lange d’oxyg�ne et d’hydrog�ne mais il eut ajout� que cela ne suffisait pas.

Le Moi ou la Conscience

Il est la derni�re instance qui se forge dans le contact de la psych� � la r�alit�. Il a pour fonction principale de mettre en forme les valeurs issues de l’inconscient en adaptant ses comportements � la r�alit� environnante. Aliment� par l’inconscient dans ses valeurs d’inventivit� il devrait demeurer en constante vigilance, sur le fil du rasoir entre inconscient et r�alit� environnante. Mais la persona, qui constitue la strate la plus fig�e, menace d’embrumer cet �veil permanent. La conscience est technicienne car elle doit et sait utiliser ou inventer des outils dans la r�alisation de sa fonction. Elle est inventive et r�alisatrice dans la mesure o�, en synergie avec les masses d’�nergie issues des arch�types, elle parvient � modeler le r�el voire le transformer. Dans les textes jungiens post�rieurs il est parfois question de l’ego d�fini comme la surface du moi, se confondant alors avec la persona. (C’est un concept que nous utilisons peu.)

L’Inconscient personnel

Il est constitu� de toutes les valeurs que le Moi a d� laisser de c�t� au cours de sa gen�se. Mais il est aussi constitu� d’�l�ments qui n’ont jamais vu le jour au cours de la vie du sujet et qui demeurent impr�gn�s par les qualit� issues des arch�type et/ou de l’Inconscient collectif. Il est un agent interm�diaire entre un �tat plus ou moins fl�tri de la conscience et les potentialit�s inattendues du futur.

L’inconscient collectif�:

Ses modes de manifestation sont les arch�types d�sign�s par des images archa�ques —�comme les dragons et chim�res, des lieux grandioses et impersonnels, le paradis perdu... Ces images constituent un fond commun � toute l’humanit�. Dans chaque individu on les retrouve, en tout temps et en tout lieu, � c�t� des souvenirs personnels. Ils se manifestent dans les r�ves, des fantaisies imaginaires et les arts picturaux. Jung distingue plusieurs strates dans l’inconscient�:

—�1�re couche�: c’est l’inconscient personnel.

—�2�me couche�: c’est l’inconscient collectif familial auquel on appartient. Dans certaines familles, par exemple, certains chiffres reviennent g�n�ration apr�s g�n�ration, de m�me que certaines caract�ristiques personnelles.

—�3�me couche�: c’est l’inconscient collectif du groupe ethnique et culturel auquel appartient la famille.

—�Au dessus�: il y a un inconscient collectif primordial. C’est ce qui est le plus commun � l’humanit�, comme par exemple la peur inn�e du vide ou de l’obscurit�,�certaines formes d’instincts, etc. Dans cet inconscient collectif, il y a des structures de base, un code g�n�ral o� cet inconscient s’exprime et ce sont les arch�types. Ils sont inn�s, immuables, les m�mes pour tout le monde. Ce sont des formes a priori de la repr�sentation �: Elles puisent leur �nergie dans la mati�re indiff�renci�e, le magma, le chaos de l’origine que l’on peut apparenter au Soi.

Le Soi�:

Cette instance, enfin, tient lieu de centre et de p�riph�rie qui englobe toutes choses de la psych�. Il est g�n�rateur d’�nergie, et de formes. Il est l’Unit�, le plus souvent repr�sent� par des nombres, des formes rondes, sph�riques ou plates telles des Mandalas —�figure ronde au sein d’une autre carr�e...

La confrontation directe au Soi est �minemment dangereuse. Elle peut conduire � l’�clatement de la psych�. Mais elle est pr�visible et cela, nous le tenons de notre exp�rience.

Les arch�types�:

Ce sont des structures de base, des formes instinctives primitives qui s’expriment au sein de l’inconscient collectif. Ils sont inn�s, immuables et les m�mes pour tout le monde. Ce sont des formes structurantes de l’inconscient. Les arch�types sont les formes a priori de la repr�sentation. Nous pouvons ainsi �voqu� les arch�types parentaux, P�re et M�re —�Jung les distingue tr�s nettement du p�re et de la m�re r�els, il les nomme souvent complexe p�re et complexe m�re, l’anima, l’animus, etc. Ils cherchent sans cesse � parvenir � la conscience et cette derni�re instance permet � la masse instinctive, ainsi mise en mouvement, de se r�aliser sans nuire � la coh�rence psychique.

La persona�:

C’est la partie de nous, apparente, �clair�e, que l’on montre aux autres. C’est notre miroir social. C’est le masque que nous pouvons pr�senter comme surface psychique � ce qui est ext�rieur � notre intimit�. Chaque culture s�cr�te un ou plusieurs types particuliers de persona.

L’ombre�:

C’est la partie inconsciente de notre personnalit�, non expos�e � la lumi�re. C’est le versant noir de notre �tre. Elle n’est pas forc�ment constitu�e de ce que nous r�primons ou avons �t� amen�s � r�primer par l’�ducation.

Il existe un �quilibre entre la persona et l’ombre car, sinon, rien de spontan� ne pourrait se produire. Leur apparition � la conscience d�pend pour tous deux du contexte socioculturel. L’ombre —�et c’est bien la difficult� avec Jung —�peut �tre envisag�e comme un arch�type. C’est donc un agr�gat de forces qui tirent leur origine du plus profond des archa�smes de la civilisation. Durant le travail sur soi, la confrontation � l’ombre est ce qui est le plus difficile � r�aliser.

L’anima �: c’est l’aspect f�minin psychique chez l’homme.

L’animus �: c’est l’aspect masculin psychique chez la femme.

L’Anima conduit l’homme � se confronter dans la vie avec ses probl�mes distincts. Elle le met en contact avec les instincts, les pulsions et les �motions lesquels d�pendent de la diff�renciation des sensations et du contact � la r�alit� physique objective ou aux autres. L’individu de sexe masculin est ainsi, fatalement, confront� � des probl�mes d’ordre moral et �thique. Jamais l’Anima ne posera le probl�me de la repr�sentation du monde, par contre, elle conduit l’homme � affronter des situation ext�rieures et le pousse � changer d’attitude. Tr�s souvent la premi�re incitation � ce changement provient —�par projection —�de l’�pouse, elle-m�me, mue par son Animus.

Chez la femme, par contre, l’�mergence de l’Inconscient, gr�ce � l’Animus, la conduit � r�gler des questions d’ordre philosophique et spirituel mais aussi le probl�me du mal. En effet, l’Animus est plut�t concern� par des id�es g�n�rales et des concepts. En commen�ant un travail sur elle, la femme aborde d’embl�e le probl�me spirituel, non pas tant sous l’angle du religieux, comme on pourrait le penser, mais sous l’angle d’une confrontation � sa propre Ombre.

Les probl�mes li�s � l’Animus et � l’Anima sont donc forc�ment distincts et les mani�res d’aborder l’Inconscient fort diff�rentes.

L’Inconscient est une matrice cr�atrice qui tend constamment � entrer en contact avec le Moi pour en corriger les actions.

Diff�rents niveaux de r�alit�

Ce tableau tr�s succinct et g�n�ral ne serait pas complet si nous laissions de c�t� deux concepts parall�les que Jung utilise souvent�: la r�alit� physique objective et la r�alit� psychique objective. Jung situe sur le m�me plan ces deux niveaux de r�alit�, consid�rant que r�alit� psychique et r�alit� physique ne peuvent �tre hi�rarchis�es l’une par rapport � l’autre. Elles sont d’�gale puissance dans la d�termination de notre v�cu, m�me si une culture, d’un type donn�, privil�gie l’une au d�pens de l’autre. Ces consid�rations sont extr�mement importantes s’il s’agit d’�couter ce que la r�alit� nous donne � voir. R�alit� qui s’apparente � une norme circonstancielle, le plus souvent.

Finalit� et causalit�

Jung nous a aussi appris � relativiser parfois la notion de causalit� pour introduire celle de finalit�. Si le sens d’une composante de la r�alit� nous �chappe, au lieu de nous demander�: ��Quelle en est la cause�?��, inverser la question�: ��Vers quoi cela tend-il�?�� ou ��Quelle est la finalit� de cette composante�?�� Envisager la r�alit� sous cet angle s’av�re souvent fructueux.

M�thode th�rapeutique

La psychologie de Jung est tout enti�re centr�e sur le d�veloppement de l’individu en qu�te de sa totalit�, l’individuation, �tant entendu que plus un �tre devient conscient et pr�sent � lui-m�me, plus il est pr�sent � autrui et au monde. Mais �tre conscient n’est pas, comme nous le croyons souvent, contr�ler la r�alit� physique objective avec les outils de la conscience. La Conscience a pour but d’enrichir la r�alit� en gardant constamment un contact avec les couches de l’inconscient. De ce point de vue, �tre conscient, c’est �tre en mouvement... Si Jung n’a pas fix� la psychologie des profondeurs en un ensemble de r�f�rences coh�rentes, c’est bien parce que, se pla�ant du point de vue d’une dynamique de la psych�, dans sa dialectique principale entre conscient et inconscient, il lui importait bien plus de donner des �l�ments de base sans les figer. Si nous faisons un parall�le linguistique, nous dirons que les concepts jungiens se pr�sentent comme des id�ogrammes et c’est le contexte g�n�ral qui en donnera le v�ritable sens.

Il existe un malentendu � propos de l’individuation. En effet, il est reproch� � Jung de mettre l’accent sur l’individualit�, ce qui accentuerait le fractionnement individualiste de nos soci�t�s.

Or, par individuation, on peut entendre ��indivision�� de l’entit� humaine li�e � l’�largissement du champ de conscience. C’est qui permettra alors une plus grande inventivit� et une polyvalence de la curiosit� consciente. La libido ne peut trouver son plein �panouissement qu’au contact de l’autre et du collectif. L’indivision de l’�tre a pour cons�quence un discernement plus grand de la conscience, une accentuation des facult�s critiques mais aussi une souplesse accrue de la psych�. Ce qui s’oppose � la rigidit� de l’Ego qui r�sulte des n�cessaires adaptations � la vie moderne.

L’�tre humain est alors en mesure d’assurer lui-m�me un �quilibre entre les composantes psychiques n�cessaires � ces adaptations —�mentalisation, rationalisation, mat�rialisme —�et celles qui sont laiss�es de c�t� —�sentiment, �motion, �thique...

Afin de r�tablir le passage de l’�nergie psychique, il faut accepter de se livrer � une exploration int�rieure. Pour y parvenir, Jung n’a gu�re recours � des techniques, capables � ses yeux de pr�juger du r�sultat. Sa m�thode est d�finie par l’Auseinandersetzung�, confrontation, �change sans d�robade entre deux personnalit�s. Elie Humbert �voquait souvent cette p�riphrase�: ��Laisser advenir�!�� Une attitude objective, neutre, n’est pas de mise de la part du praticien. Seul un sujet peut aider un sujet, dans son drame et non � c�t�. Jung accorde par la suite, comme Freud, une importance capitale au transfert qui est le lien affectif unissant le praticien et le patient. Mais loin d’�tre, comme pour ce dernier, la simple projection d’une image parentale du patient, le transfert�joue pour Jung —�� partir du praticien —�, le r�le actif d’un catalyseur en vue de la manifestation des contenus inconscients. Pour �tre efficace, il pr�suppose donc un accomplissement personnel du th�rapeute. Aux yeux de Jung, la port�e de la psychoth�rapie est aussi vari�e que la nature humaine. On ne peut lui assigner de but. L’�volution psychologique est essentiellement impr�visible. Les intentions et les voies de la nature ne sont pas les n�tres. La disposition requise � leur �gard est donc une attention vigilante alli�e � une totale disponibilit�. La m�me attitude se retrouvera dans le m�canisme de l’Imagination active qui consiste � ��mat�rialiser�� les contenus de l’Inconscient gr�ce � toute forme d’expression.

L� �galement r�side l’un des grands apports de Jung � la psychologie�: l’appel � de nombreuses techniques de cr�ation pour dialoguer avec l’inconscient. L’actuelle art-th�rapie tire ses sources de cette contribution.

Aupr�s de la petite psychoth�rapie qui tend � la gu�rison d’un sympt�me (obsession, phobie, inhibition...) et dans laquelle les d�couvertes cliniques de Freud ont leur place, le praticien peut se trouver engag� dans une "grande psychoth�rapie", entreprise de longue haleine qui ne vise pas seulement la transformation de la personnalit�. Jung ne se contente pas de r�tablir une meilleure fluidit� entre les contenus de l’Inconscient et le Moi &mdash�;&nbsp�;tandis que la th�rapeutique de Freud se borne � faire venir � la conscience les contenus personnels inconscients, qui pour avoir �t� oubli�s ou refoul�s, troublent la vie consciente. Voyant dans l’inconscient une �nergie pr�existant au Moi, il ne fixe pas de limites � sa pouss�e en vue de son actualisation et accueille toutes les formes de r�alisation possibles. Il demeure seulement attentif � sauvegarder le contr�le du Moi conscient. Il se garde aussi de r�duire la valeur des mat�riaux mis au jour. De telles attitudes ne font que masquer notre ignorance. Si un grand po�te a �t� n�vropathe, cela ne touche en rien au myst�re de son g�nie, et tous les n�vropathes ne sont pas des grands po�tes. La reconnaissance dans l’Homme d’une dimension qui d�passe infiniment la conscience —�limit� � l’ego —�caract�rise la psychologie analytique, dite complexe ou des profondeurs.�

f�vrier 2006 par Illel Kieser


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