Les arts plastiques des peuples noirs au Sud du Sahara étaient, jusqu’ici, considérés comme des objets cultuels sous forme de statuettes en bois, en terre cuite ou en bronze (laiton). En réalité, ils représentent non seulement des divinités, des effigies d’animaux, mais aussi des individualités historiques qui ont demandé que leur personne soit inscrite dans un matériau sous leur meilleur jour, c’est-à-dire pendant leurs jeunes années. Ainsi, par-delà la fonction religieuse des formes artistiques (peintures, sculptures, danse etc.), une observation minutieuse des objets (masques et statues) dévoile leur qualité naturaliste, fortement stylisée. Ils révèlent même la recherche universelle de l’idéal du beau en représentant la place de l’Homme en ce monde en tant qu’il aspire au divin.
Aussi, au-delà des a priori qui nuisent à l’observation esthétique, à la juste appréciation des œuvres d’art des peuples africains, l’art n’exprime pas seulement la puissance du divin, la sacralisation de la nature, mais aussi la beauté de l’Homme à travers ses diverses formes d’expression artistique.
Mots-clefs : art, sculptures, masques, beau, beauté, danse, peuples sub-sahariens, valeurs culturelles, divinités, puissances.
Pierre Bamony, Doctorat d’Anthropologie Sociale et d’Ethnologie (Université Blaise Pascal - Clermont II — 2001), Doctorat de 3è cycle de Philosophie (Paris IV Sorbonne), D.E.A. d’Anthropologie (E.H.E.S.S - École des Hautes Études en Sciences Sociales - de Paris), Maîtrise de Philosophie — Licence de Philosophie — Baccalauréat.
— Actuellement, il est Professeur de Philosophie dans un Lycée et de Sociologie dans une classe préparatoire aux Instituts de Formation aux Soins Infirmiers. Il a entrepris des recherches anthropologiques et socio-anthropologiques qui ont donné lieu à un certain nombre de publications :
To Eskhaton, le triangle de la mort — Essai d’anthropologie critique, Grenoble, Thot 2000, 559 p. www.editionsthot.com ;
La solitude du mutant — Éloge de la bi-culture (Étude des rapports entre Français et Communautés étrangères à partir de sa propre expérience au milieu des Français. Cette perspective s’apparente à une démarche de « sociologie participative »), Grenoble, Thot, 2001, 426 p. www.editionsthot.com
Structure apparente, structure invisible. L’ambivalence des pouvoirs chez les Lyéla du Burkina Faso (thèse de doctorat d’anthropologie sociale et d’ethnologie, publié en juin 2004 par l’ANT — Atelier national des reproduction des thèses -Université Lille III) ; des articles scientifiques dans diverses revues spécialisées et dans « Anthropos », en particulier.
Résumé 1
Auteur 1
Table des matières 2
Introduction 2
I — Aperçu général 3
II — La recherche du beau dans l’art des peuples sub-sahariens (Afrique noire) : procès et débats stériles dans l’anthropologie africaniste des ex-puissances coloniales 5
II — 1 — Des prismes culturels déformants à la négation de toute forme du beau dans l’art des peuples africains 5
II — 2 — L’immanence du beau dans les formes artistiques des peuples sub-sahariens 9
Point de vue philosophique sur le beau 9
II — 3 — Le souffle vital du beau dans les multiples formes de l’art chez les peuples sub-sahariens 10
III — Sculptures et masques 14
III — 1 — L’art du masque : aperçu général de l’essence des masques 14
III — 2 — Les masques chez les Lyéla 15
A — Les objets de l’art et leur mode production 16
B — La fonction religieuse des masques 17
IV — Exhibition des masques et danse sacrée 18
IV — 1 — Danse profane 18
IV — 2 — Parousie, esprit et enchantement des masques dans l’art du danser 19
A — La danse rituelle des divinités communautaires 19
B — La confrérie des masques 20
Conclusion 21
Références bibliographiques 22
La lecture de la riche et abondante littérature anthropologique consacrée à l’art des peuples africains insiste toujours et constamment sur des thématiques courantes devenues quasi universelles. Le regard des différents auteurs eux-mêmes, qu’ils soient occidentaux ou qu’ils soient africains sub-sahariens, s’avère comme incapable de varier de perspective. Ce fait donne le sentiment qu’à partir des premières thèses (péjoratives, voire aprioritiques) défendues depuis le xixe siècle, avec l’irruption dans le champ des cultures occidentales, plus précisément des puissances coloniales (anglaises et françaises), les différents auteurs se contentent de s’inspirer les uns des autres en répétant quasiment les mêmes idées reçues. Il en résulte l’impression suivante : malgré de nouvelles découvertes incessantes qui viennent corroborer la thèse suivant laquelle les arts des peuples sub-sahariens atteignent, pour certains, comme les sculptures du royaume du Bénin entre autres, un niveau de perfection et de beauté remarquable, les perspectives ne changent pas, ne s’enrichissent pas et ne conduisent guère à un esprit critique, à une remise en cause fondamentale des premières conceptions. Les théories de l’art changent en Occident, faisant advenir des perspectives et des lectures novatrices, avant-gardistes, riches, originales et pertinentes. Il en est tout autrement de celles qui ont été construites sur le sentiment esthétique de l’art sub-saharien.
Quelles sont ces thématiques écrites et réécrites, surannées et pourtant encore persistantes, incontournables ? En effet, selon celles-ci, lorsqu’il s’agit des arts des peuples sub-sahariens, il ne saurait être question d’artistes mais d’artisans en ce qu’ils produisent des objets essentiellement utilitaires et dont la finalité n’est jamais désintéressée. Il s’agit surtout d’objets théurgiques (religieux) qui représentent des intermédiaires entre l’homme et l’univers suprasensible, entre l’humanité en désarroi et des dieux avides du bien nourricier de l’homme pour être reconnu. Ainsi en est-il de la statuaire — animalier ou non — médiatrice d’un symbolisme spatial, astral. Elle se contente de transfigurer les supports naturels en insufflant une âme surnaturelle. Dès lors, la question du beau est entièrement occultée de ces thèses.
Quand bien même on consent à reconnaître quelque génie à certains artistes, on s’empresse de dire qu’ils ne sauraient faire preuve d’originalité en ce qu’ils sont incapables ou interdits de représentations abstraites, de libre créativité, de fantaisie inventive, imaginative. Pourtant, hormis des sentiments de principe aprioritiques, on ne peut qu’être ému devant des statuettes en bois, en bronze ou en ivoire de l’art du royaume du Bénin (Ifé), des Dan, des Gouro ou des Baoulé de la Côte d’Ivoire pour ne citer que ceux-ci. Les œuvres d’art transpirent de la beauté esthétique qui manifeste la puissance créatrice de leurs auteurs. La contemplation de celles-ci confine à une forme d’achèvement, de perfection dans la volonté de traduire une figure de l’idéal du beau. Et c’est essentiellement celle-ci qui nous saisit tout entier et nous projette dans le contentement esthétique.
Rompant avec ces thèses surannées mais couramment reprises, nous tâchons de montrer que la recherche du beau dans l’art des peuples sub-sahariens déborde des cadres d’un genre particulier d’art. Elle est inhérente tout autant à la sculpture qu’à la musique, à la danse, aux formes diverses de décoration des corps et de l’habitat. L’art y est perçu comme une perpétuelle célébration du souffle du beau dans l’ensemble complexe des formes artistiques de l’Homme.
Tel est le sens de notre démarche dans cette investigation : d’abord, analyser les considérations générales sur l’art de ces peuples pour en montrer leurs limites ; ensuite, démontrer que le beau déborde les cadres de la sculpture et des masques ; enfin, que la recherche du beau est aussi immanente à la danse, comme le prouve l’exemple des Lyéla du Burkina Faso.
Si l’on s’accorde avec l’idée philosophique selon laquelle le beau relève d’un jugement du goût et, en fonction de cette position, celui-ci est non seulement relative aux sujets humains suivant leurs avis différents sur les objets d’art, mais aussi aux divers peuples de la terre qui ont des visions propres du beau dans leur art, alors on doit convenir qu’il n’y a point d’objets produits par l’Homme, dans l’ordre esthétique, qui n’ait sa figure propre de beauté. Le beau est universel parmi l’espèce humaine, créatrice d’objets manufacturés pour y rechercher sa propre transcendance. Mais, cette universalité, qui s’enracine dans une culture et prend les contours de sa dimension et sa conception esthétique du beau, ne signifie pas une même forme de jugement qualitatif quant au sens attribué à l’objet beau.
Pour ce qui concerne l’art et le beau chez les peuples africains sub-sahariens, l’anthropologue de l’art, Roger Somé, concernant le mouvement et la fonction du masque, fait remarquer, à la suite de Michel Leiris, ceci : « mieux qu’une coïncidence, beauté et convenance expriment deux manières d’identifier une seule et même réalité. En effet, voir le masque en action afin d’en juger quant à son efficacité qui est de présenter le divin en le présentifiant ; c’est aussi juger de la beauté plastique du mouvement susceptible de rendre compte de la beauté de l’objet en lui-même » [2003 : 94].
Pourtant, nous avons remarqué, à travers un grand nombre d’ouvrages de la littérature anthropologique, en particulier africaniste, que cet aspect de la vie des peuples étudiés a été complètement occulté. On agit comme si un groupe humain n’était intéressant, au regard du chercheur européen, que par la curiosité de ses pratiques religieuses, de ses traditions, de ses moeurs culturelles ou sociales, voire dans certains cas, de ses institutions politiques. À titre d’exemple, S.F. Nadel, dans sa Byzance noire — Le royaume des Nupé du Nigéria — œuvre monumentale et sérieuse concernant un peuple habitant dans une aire de civilisation parmi les plus créateurs en matière d’art, analyse cette réalité des Nupé d’une manière anecdotique.
Faut-il voir l’absence d’intérêt porté à la vie artistique des peuples africains étudiés dans le mépris par lequel on tenait les artistes africains ? On les a qualifiés avec dédain, d’« arts nègres » ou encore « arts primitifs » dénués d’intérêt esthétique et de traduction du beau au regard de l’homme européen. Le raisonnement a dû être toujours le même : on part toujours d’un jugement ethnocentrique européen pour porter un jugement esthétique sur les autres formes d’art des humanités non européennes.
Ainsi, l’art africain est considéré comme « primitif » ; l’idée dominante supposait que les sculpteurs africains, entre autres, n’étaient pas capables de créer de façon authentique. Il s’agit d’un jugement qui se fonde sur la vieille théorie aristotélicienne qui veut que l’art ne soit rien d’autre que la réalisation d’une copie de la nature. Il s’agit d’atteindre à la production exacte, voire quasi parfaite des formes naturelles conformément aux canons esthétiques gréco-latins classiques. Dès lors, comme on suppose que l’humanité, dans sa prétendue évolution, suit le même cheminement historique, la même forme de progrès, celle-ci a dû connaître, dans l’évolution artistique, un stade semblable à l’art maladroit actuel des peuples africains (d’où sa primitivité) avant de trouver sa forme achevée dans sa figure parfaite de l’art classique gréco-latin.
Quand on consent à reconnaître que les peuples étudiés peuvent avoir une expression artistique authentique, on nuance aussitôt le propos. Ainsi, dans la sculpture des peuples africains, on y voit deux éléments majeurs qui les minimisent par rapport à l’art européen : d’abord, on soutient que ce qui anime ces sculptures, c’est la finalité utilitaire. Si l’on vise la gratuité, la pure création, la représentation du beau, l’art des peuples africains, dont la finalité est l’utilité, confine davantage à l’artisanat qu’à l’art proprement dit. Ensuite, ce qui dénie à cette sorte de tentative artistique tient au fait qu’elle est essentiellement tributaire des impératifs religieux ou magiques. Ce faisant, on oublie que la majeure partie de l’art européen ancien ou judéo-chrétien est dominé absolument par l’expression religieuse. Point n’est besoin de démonstrations à titre de preuves ; il suffit d’ouvrir les yeux en parcourant n’importe quel pays européen pour s’en convaincre. Quand une œuvre d’art, comme les splendides sculptures d’Ifé au Nigéria, émerveille la sensibilité esthétique, on n’hésite pas à attribuer cela à une influence de l’art grec comme l’a prétendu l’anthropologue Allemand Frobenius.
Pourtant, malgré ce dédain ou ce mépris dont les arts des peuples africains ont souffert, personne ne conteste aujourd’hui l’influence de ceux-ci sur de grands artistes Européens comme Picasso ou encore Modigliani pour ne citer que ceux-ci. Certes, ils s’en sont librement inspirés comme le reconnaissent les auteurs d’un ouvrage commun Introduction à la culture africaine : « Il semble que les artistes d’Europe Occidentale qui ont subi l’influence de l’art africain n’aient vu dans les techniques stylistiques des artisans qui sculptent des masques et des fétiches, qu’un effort pour représenter des formes naturelles de façon abstraite, et le cubisme ainsi que d’autres mouvements ont poussé cette abstraction à l’extrême » [1977 : 66].
En fait, la négligence affichée [1] par les anthropologues européens à l’égard de la vie artistique des peuples africains étudiés, n’est pas anodine. Elle relève d’un parti pris influencé par les idées et les préjugés du moment. Toutefois, on ne peut comprendre entièrement un peuple si l’on néglige cette part importante de son âme, de ses réalités authentiques qui s’expriment à travers l’art. En tant que forme de communication et de langage porteur de message à l’intention des membres d’une communauté qui se reflète en lui et y communie, l’art apparaît comme un facteur de communion sociale. Il porte l’histoire et exprime la culture d’un groupe social où il est né. C’est en ce sens que dans l’ouvrage précité, les auteurs écrivent ceci : « L’art est avant tout un véhicule de communication dans une société donnée... Par conséquent l’entreprise artistique ne se situe pas seulement au niveau des activités humaines liées aux valeurs spirituelles, mais elle constitue aussi un facteur actif d’organisation sociale et, partant, un de ceux qui permettent aux hommes d’agir sur leur propre milieu. Il n’est pas douteux que l’art, tel qu’il se manifeste dans un groupe social par le chant, la musique, la décoration, la sculpture, la peinture, les mythes etc. » [1977 ; p.50] Cette activité vise aussi la recherche du beau par-delà celle d’une identité culturelle propre.
C’est ce que nous allons tenter de démontrer dans cette enquête sur le beau.
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Finalement, il est manifeste que les figures du beau dans les diverses expressions artistiques des hommes, sont aussi variées que la diversité des peuples et de leurs cultures. Néanmoins, il convient, avec Platon et, plus tard, Kant, de reconnaître qu’au-delà de ces différentes formes du beau, de cette absolue relativité qui ne saurait souffrir quelque discussion, l’idée du beau, telle qu’elle dérive de la conscience humaine comme l’idéal à inscrire dans un matériau de l’art, est ce qui unifie le sens esthétique de chaque peuple.
Dès lors, les peuples sub-sahariens, à la suite, sans doute, des Anciens Egyptiens dont ils descendent, se sont, depuis bien longtemps, attacher à rechercher le beau dans les diverses modalités artistiques comme une exigence permanente à la fois consciente et/ou sous-jacente.
Qu’il s’agisse de la sculpture dans laquelle leurs artistes se plaisent (à) ou aiment modeler la forme belle dans l’espace, des différentes formes de décoration (murs, corps, port de perles etc.), ou encore des genres de danses qui exaltent la beauté des corps dans la recherche du mouvement conformément à une sorte d’alliance probable d’une expression naturaliste et d’une volonté d’idéal, le but est le même : montrer que la dimension corporelle est le mode d’existence fondamental qu’il sied de magnifier par l’enchantement de ses infinis méandres dont tout concoure à faire naître le sentiment du beau. Car la conscience de la vie, de l’existence même du sujet humain présuppose le corps comme la forme même de la manifestation la plus immédiate et la plus directe de la personne.
- Aristote (1998) : Rhétorique, « Tel »/Gallimard, Paris, Traduit par Médéric Dufour.
— Arts d’Afrique (2000) : Musée Dapper/Gallimard, Paris.
— Bailloud Gérard (1997) : Art rupestre en Ennedi, Sépia, Paris.
— Bamony, Pierre : Structure apparente, structure invisible : l’ambivalence des pouvoirs chez les Lyéla du Burkina Faso (Thèse publiée et diffusée en juin 2004 par l’Atelier National de Reproduction des Thèses — Université de Lille).
— Bayili Blaise (1998) : Religion, droit et pouvoir au Burkina Faso — Les Lyéla du Burkina Faso —, L’Harmattan, Paris.
— Bekwith Carol, Angela Fisher (2002) : Cérémonie d’Afrique, Éd. de La Martinière, Paris.
— Bible (la) de Jérusalem (1975), Desclee de Brouwer, Paris.
— Blanchard Pascal, Eric Deroo, Gilles Manceron (2001) : Le Paris Noir, Hazan, Paris.
— Bourdette-Donon Marcel (1997) : La peinture centrafricaine — État des lieux, L’Harmattan, Paris.
— Courteney-Clarke Margaret (1992) : NDele — L’art d’une tribu d’Afrique du Sud, Arthaud, Paris.
— Faïk-Nzuji Clémentine (1993) : La puissance du sacré — L’homme, la nature et l’art en Afrique noire, Maisonneuve et Larose, Paris.
— Kant Emmanuel (1982) : Critique de la faculté de juger, J. Vrin, Paris, Traduit par A. Philonenko.
— Ki-Zerbo Joseph (1978) : Histoire de l’Afrique Noire, Hatier, Paris.
— Loilier Hervé (1975) : Histoire de l’art, Ellipses, Paris.
— Merveilles de l’art nigérien (1998), Editions du chêne, Paris.
— Neyt François (1993) : Luba — Aux sources du Zaire, Musée Dapper, Paris.
— Nicolas François-Joseph (1953) : Glossaire L’ElE — Français, IFAN, Dakar.
— Nietzsche Friedrich (1997) : Fragments Posthumes — Début 1888 - Début 1889 — Volonté de puissance, Gallimard, Coll. « Œuvres Complètes », Paris, Traduit par Jean-Claude Hémenery.
— Somé Roger (2003) : Le Musée à l’ère de la mondialisation - Pour une anthropologie de l’altérité, L’Harmattan, Coll. « Esthétiques », Paris.
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Pierre Bamony, La solitude du mutant : éloge de la bi-culture, Grenoble, Thot, 2001, 426 pages. Étude des rapports entre Français et communautés étrangères à partir de la propre expérience de l’auteur au milieu des Français. Sa démarche de « sociologie participative » nous dévoile des facteurs peu communs de l’intégration.
[1] - Marcel Griaule et son équipe se sont intéressés, aux dires de Michel Leiris, à l’art dogon surtout pour piller les plus beaux objets, abusant ainsi de la confiance que ce peuple avait mis en eux comme hôtes de marque ; mieux, dans le cas de Marcel Griaule, comme un des leurs.
La recherche esthétique est certes présente dans l’art africain comme dans les peintures de Lascaux ou les nymphéas de Monet. Et en Afrique comme ailleurs, il y a eu et il y a ceux qui répètent plus ou moins habilement des croyances et un savoir-faire et ceux qui impriment leur marque sur ce qu’ils font. Et ce sont ceux-là, inconnus quand on parle d’art primitif africain ou océanien, qui font que l’on s’arrête, ému par la puissance expressive d’un masque, la simplification ou l’exubérance d’une forme.
Mais le public a, nous avons à apprendre à distinguer la valeur culturelle, historique d’un objet laquelle relève d’un savoir et sa valeur esthétique qui relève d’un jugement de goût. Les musées peuvent entretenir la confusion en sacralisant le passé, en privilégiant l’analyse savante des oeuvres au détriment de leur valeur sensible.
Par ailleurs, quelles que soient nos attaches culturelles, nous avons fort à faire pour dépasser un ethnocentrisme -satisfait ici, douloureux là- pour comprendre l’universel à partir d’un réseau toujours ouvert -dans l’espace et dans le temps- de relations et de correspondances...
Vos analyses nous invitent à un tel dépassement. Merci
Yvette Reynaud-Kherlakian
Vous pouvez trouver quelques œuvres d’artistes burkinabés sur le site Africans colours : http://burkinafaso.africancolours.net/